Aujourd’hui, l’Expert…
Un parcours professionnel d’expert est entendu ici dans le sens d’une activité professionnelle centrée sur des connaissances et des compétences spécialisées. Autrefois assimilé aux filières techniques, scientifiques ou technologiques (ingénieurs, technicien, etc.) ou aux professions libérales (médecin, avocat,…), la position d’expert s’est élargi à des métiers plus fonctionnels dans l’entreprise et à l’extérieur de l’entreprise.
En début de carrière, les jeunes diplômés cherchent majoritairement à renforcer leurs compétences dans un domaine donné, en général en lien avec leur formation et éventuellement des options de spécialisation. Ils cherchent à acquérir une expertise et l’entreprise a besoin de collaborateur dans des fonctions précises. L’expertise acquise à l’occasion de ces premières expériences est plus ou moins large selon les domaines métiers mais aussi la structure de l’entreprise (i.e. grande entreprise vs PME).
En France, l’expertise confirmée conduit généralement à évoluer vers un rôle de manager. Les salariés y aspirent avec des objectifs et des motivations variés. Depuis 30 ans, la logique du double diplôme a été promue afin que les experts techniques réussissent leur évolution vers la fonction managériale, perçue et présentée comme un objectif de réussite professionnelle.
Dans les années 90, la situation dégradée du marché du travail écarte très tôt de l’emploi des cadres confirmés dits les Séniors. Après des mois de recherche d’emploi infructueuses, beaucoup tentent de créer leur propre emploi à travers une activité indépendante de conseil. D’anciens managers se reconvertissent en experts et même en experts du management ! Le portage, les entreprises unipersonnelles se développent jusqu’au statut plus récent d’auto-entrepreneur. Le CDI, le statut de salarié et mêmes les qualifications professionnelles ne protègent plus contre le chômage.
Sous la pression de la mondialisation et de la performance financière, les positions de managers intermédiaires sont difficiles à tenir, les fonctions supports s’externalisent, la gestion des ressources humaines s’individualise, la guerre des talents qui pourrait apparaître paradoxale s’intensifie… En parallèle, les développements de la gestion par projet, du travail en réseau et de l’économie de l’information et de la connaissance valorisent les individus, leurs compétences et leurs habiletés personnelles.
Tout un contexte qui vient modifier en profondeur les attentes et les relations individus-entreprises, les besoins en compétences et en talents, les modèles d’emploi et de carrières…, les ressources engrangées individuellement dont l’expertise (compétences pointues, réseau notamment) peuvent apparaître comme le meilleur rempart contre le chômage.
Comme la position de manager, la position d’Expert, interne ou externe à l’entreprise, a aussi ses exigences.
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L’expert : Une acquisition continue de savoirs et de compétences
Un niveau de connaissances et de compétences élevé, l’excellence dans le ou les domaines de spécialité caractérisent l’expertise. La capacité à les opérationnaliser également.
L’orientation vers un parcours d’Expert nécessite donc d’acquérir en continu des savoirs et et des savoir-faire pointus et mobilisables. Cette acquisition continue passe notamment par une veille, des observations et des analyses critiques, des développements d’approches et de méthodologie, des expérimentations et des expériences sur les terrains concernés, des coopérations en réseau et les confrontations avec d’autres experts. Dans certains domaines, la capacité a transposé l’expertise pointue au service d’autres disciplines renforce la position d’expert et la proposition de valeur de ce dernier.
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La reconnaissance de l’expertise par les pairs
L’ Expert est essentiellement reconnu par ses pairs, d’autres experts, seuls à même d’évaluer le degré de maîtrise de la discipline. Pour acquérir cette reconnaissance au sein de sa communauté mais aussi une visibilité auprès de sa hiérarchie ou de ses clients potentiels, il doit donc confronter ses compétences et ses approches, contribuer à des actions collectives, formaliser et communiquer son expertise, formaliser et communiquer la valeur concrètement créée par son expertise.
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L’expert doit détenir les aptitudes à communiquer
Que ce soit envers un employeur, d’autres spécialistes, un client … l’expert doit se doter de compétences à communiquer auprès des publics divers. Qu’il soit amené à diagnostiquer, à contribuer à un projet, à former, à se promouvoir, il doit être apte à vulgariser ses connaissances et ses compétences et à valoriser sa proposition de valeur.
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Projet professionnel : Expert ou Manager ?
A titre individuel, le choix à une certaine étape de son parcours entre une position de Manager ou d’Expert va dépendre des aptitudes personnelles et des aspirations d’où la nécessité de bien se connaître et de mettre en perspective les composantes de ces deux parcours professionnels. Dans les deux cas, il nous semble important de retenir que la dimension « vie apprenante » et les qualités relationnelles sont essentielles.
Par ailleurs, l’évolution des modes de fonctionnement au sein des entreprises, de la nature des objectifs confiés en position de Manager ou d’Expert et du marché du travail sous l’effet de la mondialisation, de l’innovation continue, de l’économie de la connaissance et des usages du web nous conduisent à penser que les deux profils seront peut-être à terme moins distincts. Le Manager et l’Expert interne, en position plus transversale et aussi davantage tournée vers l’externe, seront davantage sollicités sur leurs expertises métiers, leurs expertises d’animation d’équipes projets et de réseaux, et leurs qualités relationnelles et de communication écrite et orale.
Enfin, les besoins de flexibilité des entreprises en matière de main d’œuvre, la nature et la complexité des projets et des activités à conduire vont dans le sens de l’appel croissant à des experts externes en fonction des besoins et des projets. Une nouvelle forme d’emploi qui rencontre aussi les aspirations individuelles des nouvelles générations et de nouveaux métiers à se détacher d’une relation hiérarchique et/ou de dépendance avec l’entreprise. Dans ce contexte, la capacité des Experts à s’intégrer ponctuellement au sein des équipes ou à les animer donc à détenir des compétences managériales redéfinies sera tout aussi distinctives que leurs compétences coeurs de métier.
En d’autres termes, on ne parlera peut-être plus de profils de Managers ou d’Experts mais simplement de Talents. Les Talents allieront une excellence professionnelle et des qualités relationnelles distinctives. Le référentiel d’évaluation va changer. Le référentiel de valorisation aussi.
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A lire aussi :
Projet professionnel : Manager ou Expert ? (1)
La notion de talent peut-elle alimenter un nouveau modèle de carrière et de management
Sources Photos : Jeune femme aux deux visages
Merci Michèle pour votre contribution.
Pour approfondir ce sujet :
« MANAGEMENT DES EXPERTISES ET VEILLE », publié aux Editions AFNOR, 2012
Retour d’expérience au sein d’une grande entreprise
http://www.boutique.afnor.org/livre/management-des-expertises-et-veille-le-guide-methodologique/article/774612/fa092242
Je ne sais pas si les salariés, les experts et les managers/responsable d’équipe vivent concrètement cette jolie expression « un artiste au pays des émotions ».
Je crois que les experts en management sont depuis toujours très/trop éloignés du terrain ou arrivent après la bataille; à leur décharge, la discipline est complexe, les dimensions sont multiples et singulières comme l’humain. La capacité régulière à prendre du recul (pas facile) et à remettre en question ou à capitaliser sur ses pratiques, ses valeurs… et le partage d’expériences sont certainement les clés les plus opérantes pour progresser en tant que manager. Quant aux experts, leurs aptitudes à intégrer la dimension humaine dans leurs interactions constituent probablement une des pistes d’une plus grande reconnaissance comme le mentionne Didier Baichère dans son commentaire.
Merci pour ce commentaire puissant !! encore plus interpellant que notre billet !!!
Tout à fait d’accord sur la valorisation de l’expertise, avec des experts qui sont beaucoup plus en interactions et en coopérations qu’on ne l’évalue et le valorise.
Par ailleurs, la fonction managériale elle-même évolue et nécessite aussi d’être appréciée sur de nouveaux critères.
Une opportunité pour faire bouger les lignes du management des ressources humaines et du management opérationnel dans les entreprises. Une nouvelle vision des parcours professionnels à transmettre aussi aux jeunes salariés et aux plus confirmés et à faire vivre concrètement dans l’entreprise.
Merci pour ce partage d’expérience et de position en qualité de DRH.
@ Sylvaine : la connaissance de soi dans la dimension personnelle mais aussi professionnelle (compétences métiers et comportementales au travail) et la gestion de la relation dans toutes ses dimensions sont effectivement essentielles dans le pilotage de son parcours professionnel et quel que soit son profil : de l’employé au cadre. Merci pour cette synthèse.
Au final, experts et managers ont bel et bien besoin d’avoir une bonne connaissance d’eux-mêmes, de construire et d’entretenir une assurance qui leur permettra de prendre des décisions d’évolution de carrière en confiance et de susciter la confiance chez leurs interlocuteurs. Conclusion: on en revient toujours à la triplette relationnelle comme vecteur de réussite professionnelle:
Relation à soi
Relation aux autres
Relation au travail
😉
Hello MP0831
Étudiant, j’ai du rédiger un mémoire sur l’art et la science où différents cours nous étaient donnés pour tenter de distinguer l’artisan de l’artiste du scientifique.
Pour ma part, je suis convaincu (sans savoir si j’ai raison) qu’un manager est un artiste au pays des émotions alors qu’un expert est un scientifique, spécialiste de la réplication.
Ce distinguo tend pour ma part à s’effacer pour une raison scientifique. Nous savons aujourd’hui que la réplication de nos gênes est faite aussi de manière aléatoire, en fonction de l’environnement (au niveau de l’Adn et l’Arn).
Je précise cela car les « managers experts » répliquaient les méthodes de management US indépendamment de l’environnement avec les échecs connus comme Disney et plus globalement avec l’effondrement de l’économie américaine.
Le manager Artiste lui connait déjà toutes les techniques mais les adapte en fonction de… pour faire de l’unique et du sur mesure même s’il peut être son meilleur copiste comme Picasso.
Je redoute la suprématie actuelle des Experts car ils ont une capacité plus importante que les autres à se tromper comme nous pouvons le constater chaque jour en lisant la presse eco et management ou comme l’ont démontré différents scientifiques.
Quand les experts en management et peu importe leurs cursus seront à la pointe des découvertes en sciences et plus particulièrement en neurosciences, ils quitteront leur habit d’expert pour devenir de véritables artistes insufflant à nouveau de l’oxygène dans les équipes.
Ce n’est qu’une conviction, une croyance,…
Merci pour ces billets de grandes qualités MP0839 qui nous ou du moins me permettent de réfléchir et d’avancer sur nos/mes pratiques quotidiennes.
Seb
Merci pour ce post… Je partage l’analyse
Nous devons stopper l’opposition entre les experts et les managers. dans les sociétés comme la mienne l’expertise, l’expert/consultant est essentiel. Il innove ! Ils innovent… Pas seul dans son labo, mais en interaction avec toutes les filières métiers de l’entreprise…
Reste a être a la hauteur pour valoriser l’expert au même niveau que le manager…