Quel est le potentiel de création d’emplois des start-up françaises (au sens large) ? Quels sont les freins à la concrétisation de ce potentiel d’emplois ?

C’est à ces deux questions qu’un récent rapport de France Stratégies essaie de répondre, en s’appuyant sur des données chiffrées et un panel de start-up. Un rapport qui intéressera autant une personne qui se pose la question de rejoindre une start-up que le dirigeant-fondateur d’une jeune entreprise innovante.

Parmi les causes des difficultés de recrutement des start-up, France Stratégies pointe le manque d’alignement entre innovation et RH pour être plus attractifs. Or les propositions du rapport au regard des pratiques RH en start-up sont des plus conventionnelles : les fonctions employeurs de base, le droit du travail, une fonction RH structurée…

A partir de mes expériences de DRH et de conseil en start-up, la question me semble davantage être : les start-up ne doivent-elles pas justement innover en RH, afin de ne pas tomber dans le carcan de pratiques RH conventionnelles peu créatrices de valeur, tel que nous l’avons décrit dans notre publication.

 

Créer une fonction RH ne suffit pas pour innover en RH & Management

France Stratégies analyse très bien les différentes étapes du développement d’une start-up et les besoins RH qui s’y rapportent.

Des premiers collaborateurs qui confrontent la start-up aux démarches de recrutement, au droit du travail et aux premiers actes de management jusqu’à la croissance rapide de l’effectif qui la met face à d’autres enjeux et pratiques de recrutement, au changement d’échelle de l’administration du personnel, aux relations sociales, à la structuration du travail et des équipes, au management individuel et collectif, au développement et à l’adaptation des compétences, à la fidélisation, et aussi à la gestion des premiers départs…

Le rapport pointe très justement que « la politique RH n’est vue (à tord) comme ne relevant que d’une fonction RH » par les dirigeants de start-up. En revanche, les auteurs ne vont pas au bout du raisonnement en se limitant à proposer les contours d’une « fonction RH plus structurée« .

En somme, une fonction RH conventionnelle dont on connait les apports et les limites, tout particulièrement dans le contexte d’incertitude, d’adaptation rapide et de frugalité qui caractérise les start-up. Un contexte qui se diffuse aussi aux entreprises dites “traditionnelles“.

 

Innover en RH pour échapper à la mécanique instrumentale

Les start-up ont des atouts structurels pour innover en RH.

Un de leurs challenges est d’échapper à l’approche instrumentale du management et de la gestion des ressources humaines.  Car elle en réduit l’efficacité, la portée, la contribution.

Une approche conventionnelle des RH ne manquerait pas de les figer, d’abîmer la capacité d’initiative de leurs collaborateurs, de dissoudre la simplicité relationnelle qui est souvent un de leurs meilleurs atouts.

Ces dernières décennies, d’anciennes start-up devenues des mastodontes du numérique ont adopté ici et là des approches RH renouvelées. Elles ont été reprises aussi ici et là par d’autres start-up et entreprises classiques.

Avec un succès variable, il faut bien le dire. L’adaptation au contexte de développement, au métier, au travail, au management reste incontournable. Comme toujours, s’inspirer : oui, copier-coller : non.

Il est souvent dit que l’organisation et les pratiques des start-up rejoignent inéluctablement celles des entreprises traditionnelles au fur et à mesure de leur développement. Ce n’est pas faux.

En effet, les cadres légaux ou financiers y contribuent, conformément à leurs finalités. Par ailleurs, les pratiques managériales, voire les modes managériales, opèrent comme des références à adopter auprès de dirigeants souvent jeunes et sans expérience de ces questions.

Il est toujours difficile de généraliser lorsqu’il s’agit d’entreprises et particulièrement de management. Cependant, de plus en plus de dirigeants de start-up aux effectifs conséquents passent les cadres conventionnels au filtre de leur culture, de leurs objectifs et de leur projet. Ils les adaptent. Ils innovent.

La démarche est souvent expérimentale. Si le dispositif s’avère non pertinent ou insatisfaisant, le mode collaboratif qui prévaut dans ces organisations et la nature des relations favorisent l’ajustement rapide, voire l’abandon.

 

Changer d’angle suffit pour innover utile !

Les innovations RH & Management dans les start-up sont rarement révolutionnaires à première vue. Notamment parce qu’elles portent sur des sujets RH & Management communs : l’organisation du travail et des collaborations, les compétences et pratiques managers, le temps de travail, la rémunération, les compétences, la performance, la communication interne, etc.

Comme nous le notions dans notre publication : un simple pivot, un changement d’angle peut suffire à réorienter les actions, et produire une innovation utile.

Dans les start-up qui innovent en RH et en Management, 3 leviers sont notamment mobilisés :

  • la finalité des politiques et actions RH & Management est réorientée sur les besoins de l’entreprise et des collaborateurs, et en conséquence leurs modalités.
  • Le traitement des sujets RH & Management fait système avec le plan de développement.
  • l’utilité, l’efficacité, la contribution des dispositifs RH & Management aux objectifs du projet restent dans la ligne de mire des dirigeants.

 

Rôle du Fondateur dans l’innovation RH utile

Tous les fondateurs de start-up ne nourrissent pas une ambition spécifique au regard du nombre d’emplois créés.

J’en connais qui en ont une et d’autres pas du tout. Et ce n’est peut-être pas un hasard si nos routes se sont néanmoins croisées. Pour d’autres fondateurs de start-up, l’accroissement de l’effectif peut vite devenir un pensum. L’enjeu est de l’identifier très tôt pour y travailler et/ou le déléguer.

Selon mes expériences, les dirigeants de start-up qui négocient le mieux les changements d’échelles et d’enjeux RH et managériaux mobilisent :

1- La communication et le partage des enjeux et préoccupations RH & Management avec les collaborateurs. En somme, une nouvelle forme de dialogue social avec une mise en responsabilité des collaborateurs aussi sur ces sujets. Ce qui a aussi pour effet de faire grandir les collaborateurs, souvent jeunes, au regard de ce que l’entreprise peut faire ou pas en tant qu’Employeur.

2- Une vision managériale et non instrumentale de la GRH. Ils développent une connaissance des pratiques RH & Management conventionnelles et nouvelles – acquise le plus souvent par l’intermédiaire de mentors externes (curiosité, humilité, réseau...). Ils ont la capacité de les passer au tamis de leur entreprise et des équipes (esprit critique, capacité à se confronter à complexité, créativité, participation…). Ils ne recherchent pas le « prêt-à-manager ».

3- L’informatisation. Elle contribue certes à l’efficacité organisationnelle. Mais elle est avant tout utilisée comme un levier de coordination et de partage des apprentissages et des responsabilités avec les collaborateurs et les managers. Et, comme un levier d’adaptation collective, notamment à partir des connaissances produites et analysées.

 

Après toutes ces années, je reste toujours surprise de voir des entreprises traditionnelles se débattre encore avec le droit du travail, Excel ou une offre d’emploi… et à côté d’elles, de voir de jeunes entreprises, à taille et enjeux RH & Management équivalents, s’emparer sous un angle positif et habile de ces sujets.

Une question d’historique ? Peut-être. Une question de culture ? Probablement.