« L’attractivité d’une entreprise soutient sa marque employeur. Et la marque employeur renforce l’attractivité de l’entreprise… ». A ce jeu de valorisation à la Laurel et Hardy, les PME pourraient partir perdantes face aux plus grandes entreprises pour relever le challenge du recrutement et de la rétention des collaborateurs à travers une stratégie de marque.
La confusion est fréquente entre développer l’attractivité de l’entreprise en tant qu’employeur et développer un capital de marque employeur
Disposer d’un capital de marque employeur qui projette de la valeur, du sens et déclenche l’engagement et l’interaction souhaités pour chaque candidat ou collaborateur est une démarche de longue haleine, souvent peu compatible avec les échéances, les ressources, la maturité marketing des PME. De plus, mesurer la valeur apportée par la marque employeur à l’emploi, au travail, du point de vue des candidats et des collaborateurs est un exercice difficile.
PME, il faut oublier la marque employeur !
Définir les facteurs d’attractivité de l’entreprise en tant qu’employeur, les améliorer et les communiquer efficacement constituent une approche que toutes les PME dans la diversité et la singularité de leur identité, de leurs ressources et de leur fonctionnement peuvent actionner pour doper leur recrutement et leur management des ressources humaines.
Capitaliser, vraiment ?
En marketing, une marque a de la valeur et constitue un capital de marque, si elle influence durablement les perceptions du consommateur et donne à l’entreprise un avantage concurrentiel. Le capital de marque repose sur la connaissance de la marque, sa reconnaissance, sa mémorisation, l’appréciation de la qualité, du prix… et de plus en plus, sur l’expérience en lien avec le numérique et la multiplication des canaux d’interaction.
Transposé à l’univers RH, la marque employeur a de la valeur si elle influence durablement les candidats et les collaborateurs et donne à l’entreprise un avantage RH concurrentiel. Or la plupart des 135000 PME françaises n’ont déjà pas un fort capital de marque sur leurs activités commerciales. Les PME du BtB et de la sous-traitance sont peu connues en dehors de leur écosystème d’affaires et de leur territoire.
Croire ou faire croire que ces PME pourront en quelques mois répondre aux enjeux de recrutement et de fidélisation de leurs collaborateurs et acquérir un capital marque employeur est une illusion. Et ce d’autant plus, que ces petites organisations doivent très souvent réaliser un travail approfondi sur les facteurs de leur attractivité organisationnelle actuelle et future.
Plutôt que de se lancer dans une stratégie de marque, les PME doivent avant tout travailler sur les facteurs de leur attractivité actuelle et future.
De l’attractivité actuelle à l’attractivité compétitive
- Pour 57% des PME, les difficultés de recrutement restent le principal frein au développement de leur activité. Un quart a été contraint de réduire l’activité,
- 33% remettent en cause leur entreprise et son organisation, en lien avec les perceptions des candidats,
- 54% déclarent avoir modifié leurs démarches de recrutement.
Selon le même baromètre PME de BpiFrance publié en mai 2019, une infime minorité de PME a travaillé sur les facteurs d’attractivité interne pour retenir, et externe pour attirer. En matière de recrutement, le baromètre pointe, outre l’absence de candidats, le constat d’une inadéquation entre les attentes des PME et celles des candidats (compétences, expériences, culture, salaire…).
Les écarts entre la demande et les compétences disponibles sont bien réels. Ils appellent des réponses en matière d’orientation et de formation, au niveau du pays et de chaque entreprise. Sans occulter cette difficulté conjoncturelle, les PME peuvent néanmoins améliorer leur performance en matière de rétention et d’attraction.
L’attractivité d’une entreprise est définie à partir des bénéfices et avantages que les collaborateurs perçoivent à travailler pour elle. De par la nature singulière de chaque organisation et de chaque individu, les facteurs d’attractivité, et de non attractivité, ne sont pas prédéfinis, standards, faciles à identifier. Chaque direction doit s’atteler à les définir en se détachant des clichés généralement accolés aux PME… La mondialisation, l’informatisation, aujourd’hui le numérique ou la nouvelle vague entrepreneuriale sont passés par là.
Les PME françaises emploient environ 3,7M de collaborateurs selon l’INSEE.
Ils n’y travaillent pas tous par défaut.
Tous n’y restent pas non plus par défaut.
Sans surprise, l’identification des facteurs d’attractivité repose pour partie sur l’appréciation et le ressenti actuel des collaborateurs, des apprentis, des stagiaires, des intérimaires, des candidats recrutés ou pas, les IRP le cas échéant… Toutes les composantes doivent être abordées : contenu du travail et des emplois, offres produits/services de l’entreprise, relations clients et fournisseurs, conditions matérielles de travail, politique RH, climat social, management, information et communication, relations de collaboration, choix organisationnels, le(s) dirigeant(s)…
Même sur un effectif restreint, en combinant différentes segmentations (âge, métier, nature du travail, ancienneté, expérience, profil, service, etc.), le recueil de ces éléments sera riche d’enseignements pour définir et apprécier la nature et le niveau de l’attractivité actuelle et effective, pour apprécier les facteurs partagés par tous, ainsi que les facteurs distinctifs par segment pertinent.
Il est souhaitable d’enrichir l’analyse en interne de l’attractivité par le retour d’autres parties prenantes (clients, fournisseurs, prestataires, partenaires…) et autres acteurs en proximité avec l’entreprise (écosystème).
La nature et le niveau de l’attractivité actuelle de l’entreprise sera le reflet de ce que les dirigeants, le corps social et les parties prenantes ont respectivement perçu, valorisé, accordé, demandé, obtenu jusqu’à présent…
Dans les PME, les éléments d’attractivité (et de non-attractivité) ne sont pas le résultat d’une stratégie planifiée. Ils se sont souvent construits au fil du temps à partir des intuitions, envies, décisions du dirigeant, à court terme, à partir des contextes d’affaires et du contexte social.
Ce qui a été attractif hier et aujourd’hui ne le sera peut-être pas demain. Les entreprises ont besoin de passer les composantes de leur attractivité actuelle au filtre des évolutions de leurs besoins RH, de leurs cibles de collaborateurs, du marché du travail, de leur environnement.
Enfin, il leur faudra identifier les éléments qui pourraient faire la différence avec les entreprises concurrentes, globalement et par segment, en s’appuyant là aussi sur les retours d’expérience des dirigeants, managers et collaborateurs, et autres parties prenantes.
Disposant d’une part de ses atouts clés (actuels, concrets, vécus), d’autre part des axes d’amélioration à concrétiser, et enfin des nouvelles actions à mettre en place pour renforcer la compétitivité de son attractivité, l’entreprise communiquera tout d’abord auprès de l’ensemble des collaborateurs sur le positionnement choisi. Elle adaptera sa communication RH externe, et montera en puissance progressivement sur sa proposition de valeur collaborateur.
Les points d’attention des PME en matière de communication de recrutement porteront principalement et c’est déjà pas mal, sur les canaux de recrutement dont le site web de l’entreprise, les annonces d’offres d’emploi, la présence et la présentation du dirigeant et des collaborateurs sur les réseaux sociaux, la cooptation rémunérée, le processus de recrutement et l’expérience candidat, les contenus relatifs à l’actualité de l’entreprise et du dirigeant.
Pour les PME, le premier obstacle à lever est très souvent l’engagement du dirigeant, sa prise de conscience que l’improvisation et les solutions de proximité ne sont plus suffisantes pour recruter et retenir les collaborateurs. Sa conviction qu’il est désormais nécessaire de construire et animer une stratégie RH proactive et compétitive, y dédier des ressources, y impliquer l’ensemble des collaborateurs, l’incarner pleinement en interne et en être le premier ambassadeur auprès des candidats et prescripteurs potentiels. Travailler sur l’attractivité RH est une source d’innovations et d’acculturation au digital pour les PME.
Comme pour l’internationalisation il y a quelques années, certains dirigeants de PME sauront s’adapter. Ils saisiront les opportunités du digital qui offre la possibilité d’accéder aux mêmes leviers que les grandes entreprises même sans capital de marque.
Ils prendront aussi pleinement part aux initiatives qui semblent se mettre en place en matière de valorisation des territoires et de leurs acteurs de proximité.
L’article a été publié initialement dans le Mag RH consacré à la Marque Employeur et sur le blog de ParlonsRH
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