Michel Barabel a répondu aux questions des Editions Législatives au sujet du RH Bashing. Je ne reviendrai pas sur l’émission Envoyé Spécial de France 2, François Geuze et d’autres professionnels RH ayant bien dit ce qu’il y avait à en dire sur le fond comme sur la forme.

Je souhaitais revenir plus particulièrement sur la réponse de Michel Barabel à la question : quelle est l’origine du RH Bashing ?

Michel a répondu que « le RH Bashing s’est développé à partir du moment où les DRH ont revendiqué un rôle de partenaire stratégique ».

Le RH bashing s’est développé à partir du moment où les collaborateurs sont devenus des ressources stratégiques pour les entreprises, selon mon expérience et mes observations.

Un lien de cause à effet : DRH = Business Partner car collaborateurs = Business partners

Des collaborateurs qui ont été réévalués comme des ressources humaines désormais stratégiques. Je devrais dire des Talents ;-), nouveau vocable qui a un sens profond opérationnellement en RH, et qui a aussi évolué comme un buzz word ou un concept marketing, trop marketé au point que même les salariés sont gênés d’être désormais dénommés Talents… autre sujet.

Les talents, les collaborateurs, les salariés, les ressources humaines ont donc été positionnés au centre de l’innovation, de l’adaptation, de la maitrise de certaines compétences développées individuellement notamment via le Web et les réseaux sociaux, etc.

De statut de ressources banales, ajustables à qui on a dit de développer sa responsabilité et son employabilité individuelles, les collaborateurs sont passés au statut de ressources clés, stratégiques, centrales dans la création de valeur et à chouchouter jusqu’au bonheur ultime ! Quel grand écart en vingt ans !

Les collaborateurs sont désormais positionnés au centre des leviers d’innovation et d’adaptation des entreprises et de leur environnement élargi (écosystème), face à une économie émergente, foisonnante, complexe, incertaine… Il était donc logique que les directions en charge des ressources humaines, les Direction RH, soient positionnées au cœur des enjeux Business et RSE.

Et, comme le décrit très bien Michel Barabel, lorsque le couvercle a été levé sur les directions RH à l’occasion de cette mobilisation stratégique, qu’est-ce que les directions générales ont trouvé ?

1- Les directions générales ont trouvé des professionnels RH centrés en termes de compétences et de tâches sur la gestion administrative et juridique, en posture réactive de gestion des obligations.

Des équipes RH peu au fait, voire dépassées, par la transition digitale dont sont imbibés à titre personnel les salariés, les plus jeunes plus particulièrement. Une transition digitale qui se diffuse à pas de géant dans son environnement via ses clients, ses fournisseurs, les talents à attirer, etc. et dans l’entreprise via la relation client, la vente, le recrutement.

Des équipes RH peu à l’aise avec la nouvelle gestion de la relation qu’induisent le digital et la bataille des talents.

Le manque de vision, et de veille, le champ d’actions restreint des services ou directions RH résultent à la fois du rôle assigné par les directions et les conseils d’administration aux professionnels RH, de la formation initiale et continue de ces profils, de la complexité du droit du travail et de l’administration du travail, de la charge quotidienne et très aléatoire à laquelle sont confrontés les gestionnaires RH, les responsables RH, les directeurs des ressources humaines ou les DAF en charge de cette mission…

De nombreux professionnels RH ont manqué d’anticipation et de curiosité par rapport aux évolutions sociétales et technologiques qui ont émergé. Ils ont manqué de réagir et de prendre la parole dans l’entreprise pour faire évoluer leur rôle.

Les directeurs et les directrices des ressources humaines n’ont pas à revendiquer le rôle de Business Partner. Ce rôle était et est une évidence au regard des enjeux des directions d’entreprise.

Les directions générales ne les ont pas non plus aidés à évoluer. Et malgré tous les discours et la réalité des enjeux autour de l’attraction et la rétention des talents, je constate qu’hormis quelques exceptions, on est encore loin du compte en 2018…

 

2- Les directions générales ont aussi trouvé des directions RH peu équipées en terme d’outils informatiques.

Certes, la paie est une des fonctions qui est informatisée depuis des années. Les gestionnaires de paie vous le diront comme moi, elle est loin d’être réglée comme du papier à musique … Entre les dispositifs juridiques, ingérables même avec l’aide de la plus forte intelligence artificielle, et des emplois de gestionnaires de paie enclin au turnover face à la nature même de cet emploi qui retient peu les talents…

Bref pour la paie. Le reste du SIRH est généralement pauvre dans la plupart des entreprises. Word, Excel ou Drive sont encore très présents.

A qui la faute ?

Des directions RH qui n’ont pas su négocier des ressources ? Oui probablement en partie, par manque d’approche business et stratégie, par manque d’articulation des différents domaines de la GRH et d’une approche par la valeur, par manque de projection de leur propre leadership …

Des dirigeants, et des DAF aussi, qui n’ont pas jugé utile d’investir dans des outils et des technologies pour leur service ou leur direction RH ?

Les dirigeants ont vu, et nombreux voient encore, dans la direction des ressources humaines un centre de coûts.

Même avec tout ce qui est dit préconisé depuis des années, tout ce qui est proposé par les éditeurs en place et les très nombreuses startups de la HRTech… les dirigeants n’ont pas fait les arbitrages de ressources en faveur des directions RH. Ils n’ont pas suffisamment investi dans un SIRH et des outils d’interaction et apprécié leur ROI.

Un SIRH et des outils d’interaction qui créent de la valeur perçue par les salariés dans la qualité de services qui leur sont délivrés de la paie à la formation. Un SIRH et des outils d’interaction qui créent aussi de la valeur en déplaçant l’action RH sur les échanges, effectivement Michel, et aussi sur l’accompagnement individuel et collectif qui soutient en continu l’enrichissement des emplois, les carrières, l’organisation, les motivations, les compétences, le sens du projet d’entreprise, le sens de l’engagement, l’adaptation du contrat social, la performance des collaborateurs au profit de l’entreprise, au profit des clients et au profit du développement et de la satisfaction au travail des salariés…

Et il y en a des choses à faire au quotidien et à longueur d’année sur tous ces sujets ! Le temps de l’action humaine est un temps long, davantage en raison de l’articulation et de la coordination impérative de toutes les dimensions du sujet « Humain » que par l’adoption individuelle et collective, qui peut être rapide si on met en place les ressorts collectifs.

A titre personnel, ne me demandez pourquoi et comment (si je sais, beaucoup d’implication…), je me suis spontanément impliquée en tant que DRH (et un peu plus…) dans la réflexion stratégique, à relier un plan d’actions stratégiques au potentiel humain de la structure disponible ou à construire, à faire converger l’individuel et le collectif par l’accompagnement des parcours et la gestion collaborative de projets comme outils efficaces d’embarquement des collaborateurs dans les enjeux et réflexions de l’entreprise, et à gérer en parallèle l’action quotidienne. C’est naturellement systémique, tout ça !

Certains dirigeants veulent beaucoup, un peu, un peu moins à certains moments qu’à d’autres de ce rôle de DRH, de cet impact… Parfois les égos entrent en jeu. Quand le DRH connaît mieux les processus, les métiers et les collaborateurs que les dirigeants, ça peut poser problème 😉

Ce type de frottement est révélateur du fait que certains dirigeants n’ont pas compris notre métier de DRH, un métier d’interface, de facilitateur entre l’économique et le social, d’influenceur. Ils n’ont pas aussi compris les apports pour l’entreprise d’une collaboration forte entre direction générale et direction RH, dans laquelle chacun a son rôle à jouer, dans laquelle chacun a ses compétences, ses responsabilités à activer… D’ailleurs, quand ils n’ont pas compris cela, ils n’ont en général par compris la collaboration au sein d’un comité de direction…

Et la donne est de nouveau en train de changer pour les Directions RH !

Comme d’autres dans d’autres domaines, les directions des ressources humaines / des relations humaines ont eu une opportunité unique dans ce mouvement d’évolution de la gestion de la relation porté par le digital d’apporter plus de valeur aux directions d’entreprise et aux collaborateurs.

De nouvelles évolutions émergent avec les données, les algorithmes plus puissants, la robotique… J’avais écrit un article en 2013 au sujet du recrutement innovant : De la relation aux données et toujours les 4 questions de fond, les mêmes. La gestion de la relation va encore évoluer dans les prochaines années.

Lorsqu’à l’occasion d’un TruLyon, je décide de me lancer avec le soutien de quelques compagnons de route dans l’expérimentation d’un robot recruteur, je ne le fais pas pour la gloire, mais je le fais pour apprendre, comprendre et pouvoir le décliner ensuite, si c’est pertinent pour l’individu et le collectif.

Alors ne manquez plus le coche ! DRH et autres professionnels de la fonction RH, impliquez vous dans la compréhension des usages des technologies, les impacts économiques, sociaux, sociétaux… Soyez curieux, soyez courageux, soyez force de propositions auprès de vos directions générales, demandez à participer au conseil d’administration pour représenter une des composantes clé de votre entreprise sans qui aucune performance durable n’est possible.

DRH, ne revendiquez pas d’être Business Partner, soyez le. On vous attend naturellement sur ce rôle ! Formez-vous, soyez proactifs et curieux, rejoignez vos communautés, développez vos convictions et élargissez vos compétences…

Et si la direction de votre entreprise ne vous entend pas malgré tous vos efforts, n’hésitez pas à rejoindre d’autres directions d’entreprise plus ouvertes à une Direction de l’Organisation Sociale et du Développement des Talents.

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