Les processus de recrutement s’allongent-ils sous l’effet de la crise ? La radio France Info consacrait fin décembre 2013 une émission à ce sujet, mentionnant notamment la multiplication des entretiens de recrutement ou des temps de décision plus longs.
Difficile pour moi qui ait passé 13 entretiens de recrutement, il y a plusieurs années, pour être recrutée dans un grand groupe ou qui réalise ponctuellement des recrutements dans nos activités de conseil en entreprises, Canden Ressources Humaines, de répondre oui, sans nuance.
Les processus de recrutement s’allongent car la crise impacte d’abord la décision de recruter
Le retournement rapide des perspectives selon les modèles économiques des entreprises, le manque de visibilité à moyen terme conduisent de nombreuses entreprises à être prudentes sur leur décision d’ouvrir des postes au recrutement, la masse salariale représentant le plus souvent le premier poste de charges.
Même les départs et donc logiquement les remplacements font l’objet d’une réflexion pour valider le besoin. Une mobilité interne ou un changement d’organisation sont étudiés en premier lieu avant de décider de recruter.
Depuis quelques années, des recrutements sont aussi lancés, puis annulés ou suspendus, parfois relancés plusieurs mois après. Parfois aussi le poste ouvert et le profil recherché sont totalement revus, les besoins en compétences se sont modifiés en raison d’un nouveau marché, d’un changement de stratégie ou d’organisation..
Pour les candidats déjà engagés dans le processus de recrutement, ces aléas sont bien évidemment difficiles à gérer. Ils s’imposent à eux. Certaines entreprises soucieuses de préserver leur image et leur attractivité de recrutement fournissent des explications étayées aux candidats. D’autres sont plus laconiques, voire brutales.
D’autres facteurs favorisent aussi l’allongement des processus de recrutement…
Thomas Vilcot, directeur du recrutement d’un grand groupe français, explique qu’en tant de crise les entreprises ont tendance à multiplier les entretiens de recrutement ou d’autres épreuves de sélection (tests, simulation, etc.) pour mieux sécuriser les recrutements. C’est vrai, mais d’autres motifs peuvent être aussi avancés.
1- L’évolution des besoins en compétences des entreprises fait évoluer le recrutement
Plus qu’avant, les entreprises ont pris conscience qu’un recrutement réussi repose sur les compétences techniques, les motivations et les compétences comportementales du nouveau collaborateur, et sur l’adéquation de ces dernières avec la culture interne.
C’est une des raisons de l’emploi du mot « talent » ces dernières années en remplacement des mots « ressources humaines » ou « collaborateur ». La prise en compte de la personnalité, des aptitudes individuelles et des motivations est plus grande.
Leur détection et leur évaluation plus complexes aussi.
D’où le développement de modalités d’évaluation des candidats sur cette dimension plus personnelle, et l’intégration de nouvelles étapes de sélection, plus d’entretiens, des tests psychométriques, des mises en situation, des serious games, etc. Les technologies ayant d’ailleurs facilité le déploiement de nouveaux outils d’évaluation et de sélection.
En complément, on peut relever que les compétences techniques font également l’objet d’une évaluation plus structurée, plus resserrée, parce qu’elles se complexifient, se multiplient, évoluent plus rapidement, se renouvellent aussi.
Pour les candidats, cette évaluation plus poussée sur la personnalité, les motivations, les valeurs et l’adéquation avec la culture de l’entreprise permet aussi de sécuriser la réussite et l’épanouissement dans le poste et dans l’entreprise. Plutôt que de se laisser évaluer, le candidat doit utiliser, s’approprier le processus de recrutement comme un outil d’informations et d’évaluation de l’opportunité d’emploi.
En embrassant cette posture, cet état d’esprit, au regard des étapes de recrutement, le candidat sera plus performant, car avant d’être candidat, il sera d’abord un professionnel qui mobilise ses aptitudes et ses compétences. Le candidat sera plus en confiance.
2- L’évolution des structures et de leur fonctionnement impacte les processus de recrutement
L’organisation matricielle (produit /zone géographique par exemple) ou le fonctionnement en mode projet se sont développés depuis plusieurs années. En conséquence, les collaborations se sont multipliées, entrainant l’implication d’un plus grand nombre de personnes dans le processus de recrutement, donc plus d’entretiens ou des entretiens en présence de plusieurs interlocuteurs.
Le développement d’une culture plus participative ou collaborative contribue aussi à utiliser la cooptation en matière de recrutement, l’évaluation et la décision par tous les interlocuteurs concernés dans une activité de recrutement de plus en plus complexe.
La cooptation peut être vue et utilisée comme une manière de sécuriser le recrutement par la prise en compte de plusieurs avis, ou encore de diluer les responsabilités, lorsque la décision est réellement collégiale. On peut aussi la voir comme un corollaire directe de l’évolution des organisations et du management.
Pour les candidats, ici aussi, la rencontre de plusieurs interlocuteurs de l’entreprise est une réelle opportunités de recueillir davantage d’informations sur le poste, l’entreprise, les salariés… de mieux percevoir la réalité de l’entreprise, les compétences, les techniques, les moyens, les collaborations…
Des éléments réellement utiles pour décider ou pas de la rejoindre au moment où il disposera de la proposition.
Si le recrutement n’aboutit pas positivement pour lui, ces rencontres et ces échanges sont à mettre à l’actif du candidat. Au-delà de l’expérience même de recrutement, les connaissances engrangées le renforcent et pourront être mobilisées ultérieurement dans les différentes actions de sa recherche d’emploi. Et une fois en poste, ailleurs… Les personnes rencontrées viennent alimenter un réseau relationnel, mobilisables dans d’autres contextes.
Eviter le piège des recrutements à étapes multiples ou longs
Les sélections sous la forme d’entretiens, de tests, de mises en situation, etc. mobilisent beaucoup d’énergie et d’affect pour le candidat.
Encore plus, lorsque la pression de retravailler vite ou de changer rapidement d’emploi est là. Ou lorsque le poste et l’entreprise sont fortement motivants, le job de ses rêves !
Pour la candidat, un des pièges des recrutements longs est de se désunir, de relâcher progressivement l’attention sur l’argumentation ou la gestion de la relation… Par optimisme, on anticipe une décision favorable alors que rien n’est fait, ou par manque de confiance, on ne croit pas à ses chances…
Il n’est pas question de mise sous tension, mais plutôt de concentration à chaque étape du recrutement pour continuer à apporter les bonnes réponses aux questions ou aux exercices demandés, pour bien gérer les différentes relations (avec un RH, un dirigeant, un manager opérationnel, un potentiel collègue…).
Mais aussi de prise de recul et d’analyse des différentes étapes de la sélection pour identifier les objectifs et enjeux spécifiques à chacune.
Les temps de préparation des entretiens de recrutement sont ici aussi un atout pour maintenir la concentration et analyser les contextes et les interlocuteurs.
Il faut visualiser et comprendre le processus et ses finalités, en posant la question si vos interlocuteurs ne vous en parlent pas. Puis dérouler chaque instant présent : les préparations, les évaluations elles-mêmes, les debriefings.
Si vous vous projetez comme un professionnel et non comme un candidat, vous appréhenderez et vivrez mieux les différentes étapes du recrutement qui s’imposent à vous.
Il est à noter qu’actuellement les entreprises tentent d’améliorer l’expérience de recrutement du candidat, l’expérience-candidat, pour renforcer leur image et leur attractivité en tant qu’employeur. Les efforts portent à la fois sur le relationnel, l’information et les modes d’évaluation…
De leur côté, les candidats perçoivent la recherche d’emploi et le recrutement comme plus complexes en raison de la diversité des modalités de sélection, mais aussi de l’incertitude ou de l’instabilité qui entourent la décision de recruter.
Quelques articles complémentaires à lire ou à relire sur les entretiens ou les modes de recrutement :
Comment identifier et communiquer ses compétences comportementales ?
Entretien d’embauche : ni vide-grenier, ni démonstration !
Réussir son entretien de recrutement : changer d’angle !
Les soft skills : déterminantes ou différenciantes dans un recrutement ?
Silence, on recrute : ou l’entretien de recrutement en vidéo
Rechercher un emploi en 2014 : ce qu’Internet et le mobile n’ont pas changé (1)
Recherche un emploi en 2014 : ce que l’internet et le mobile ont changé article 2, article 3, article 4
Si vous ressentez le besoin de préparer des entretiens de recrutement ou d’autres étapes de la sélection, nous pouvons vous y préparer et vous conseiller.
Contactez nous pour un entretien Carrières ou pour un accompagnement ciblé sur une problématique spécifique via le Conseil gratuit d’id-carrieres ou par téléphone au 04 78 64 04 52.
Merci Jacques pour ce retour d’expérience très juste, un recrutement est un investissement !
En tant que cabinet de recrutement chez Altaïde, on ressent cela chez certains de nos clients. Une part de notre travail est d’ailleurs de les rassurer et de les accompagner dans leur décision.
Pour une patron d’entreprise la décision de recruter est tellement lourde de conséquence, compte du contexte législatif, la souplesse proche de zéro, et des enjeux économiques qu’un patron hésite beaucoup avant de recruter. Sa crainte : soit s’embarquer avec un candidat qui ne fait pas l’affaire, soit mettre en péril l’entreprise car un ralentissement de marché même léger avec une masse salariale trop importante fait vite passer dans le rouge. Et comme les banquiers financent des machines et pas des salaires…
Exemple : dans une PME de services web de 20 personnes où en dehors des ordinateurs vous n’avez pas d’investissement, c’est les salaires qui pèsent. Un recrutement de plus raté cela représente souvent l’équivalent de un à deux ans de bénéfice qui s’envole au détriment des autres salariés.
On comprend donc les freins à recruter. Il suffit de voir les pays où le code du travail est plus souple, sont les pays où le chômage est moindre qu’en France (ex USA, UK…). On n’hésite moins à embaucher car les risques sont moins fort. En contrepartie coté candidat le marché est plus actif avec plus d’entreprises prêtes à s’engager.
Bonjour Xav, merci pour votre contribution.
Vous avez raison en partie raison car le besoin de travailler prime sur le choix pour beaucoup de personnes sans emploi. En revanche, il est indispensable d’accepter un poste après avoir recueilli un minimum d’informations sur le poste, l’équipe et l’entreprise, pour au moins entrer dans le poste avec succès, s’adapter, intégrer les enjeux, etc. sans dire qu’il s’agit du job de vos rêves… Nous voulions insister sur le fait que l’évaluation n’est pas dans un seul sens… Cette posture proactive du candidat aide à mieux réussir les entretiens…
Je me permets d’intervenir en réaction à cette affirmation :les entretiens successifs sont » un outil d’informations et d’évaluation de l’opportunité d’emploi. »
L’opportunité d’emploi… Pensez-vous vraiment que beaucoup de candidats (pas déjà en poste, donc réellement sans emploi) peuvent se permettre d’évaluer comme non pertinent une opportunité d’emploi ?
Peu de personnes aujourd’hui peuvent se permettre de refuser un poste. C’est une réalité…
Bonjour Marie-Pierre,
Merci pour cet article sur une tendance qui semble hélas se confirmer.
Beaucoup de candidats me racontent (avec dépit) la succession de 7 entretiens (et les frais de déplacement qui vont avec)…. pour un poste de … cadre junior.
7 entretiens… 7 décideurs… : pourquoi diable le recrutement serait-il le seul process d’entreprise qui parviendrait comme par magie à mettre tout le monde d’accord sur 1 seul nom, celui du candidat ? Ce serait bien la première fois non ? Pensons y !
Pensons aussi que le candidat prêt à l’emploi n’existe pas. Manager c’est accueillir, accompagner, faire grandir, donner le droit à l’erreur.
Mon vécu de manager (avant celui de directeur du recrutement) m’a profondément marqué et inspiré.
Sans doute le recrutement responsable commence t’il ici…
Pour aller plus loin : http://www.blogrh-thomasvilcot.com