J’observe que les démarches d’expérience collaborateur oublient très souvent le contenu du travail.
Un peu comme si, les conditions de travail, la mission de l’entreprise ou ses projets de développement suffisaient à stimuler les perceptions positives des collaborateurs envers leur employeur, donc leur implication. Si ce n’est leur engagement.
Tous les nouveaux embauchés et les collaborateurs seraient-ils pleinement satisfaits du contenu de leur travail ?
Tous les emplois seraient-ils attractifs au regard du contenu du travail ?
Le digital, souvent pointé comme l’enjeu et le levier de l’expérience collaborateur, n’impacte-il pas la nature et le contenu même du travail ?
Le management ou la formation seraient-ils les principaux points de frictions entre les collaborateurs et l’entreprise au regard du contenu du travail ? …
La réponse à ces questions, non exhaustives, est clairement non.
Les perceptions du collaborateur au regard du contenu de son travail devraient être un point d’attention central des DRH en matière d’expérience collaborateur :
- Il est le premier objet de l’engagement réciproque lors du recrutement,
- Il est un repère individuel et personnel structurant,
- Les technologies le transforment depuis plusieurs années, et les collaborateurs le vivent plus ou moins bien.
La perception de l’activité de travail par les collaborateurs, et les RH !
Aborder la démarche d’expérience collaborateur sous l’angle du contenu du travail, c’est se pencher sur le vécu par le collaborateur des diverses composantes de son activité de travail : les tâches, la fonction, le rôle, les rythmes des tâches, les charges, les modes opératoires, les apprentissages, les flux d’informations, les compétences, les relations hommes-machines, les interactions avec les autres en interne ou externe, le niveau d’autonomie d’action et de décision, les valeurs et les croyances, etc.
1- Comment le collaborateur perçoit-il l’adéquation des choix et des directives organisationnelles de l’entreprise qui cadre son travail avec :
- la représentation qu’il en a cf. recrutement, contrat de travail…
- ses propres pratiques professionnelles cf. formation et expériences antérieures
- la projection de sa capacité à maitriser les activités confiées et à atteindre les résultats demandés,
- l’image qu’il a de lui-même en tant que professionnel,
- ses objectifs professionnels individuels ? (plus ou moins définis)
2- Comment perçoit-il ce que l’entreprise considère, évalue et reconnaît de son travail, de ses réalisations et contributions effectives, de ses pratiques et résultats… ?
3- Enfin, comment le collaborateur perçoit personnellement son travail, la maitrise qu’il en a, ses pratiques, ses réalisations, sa performance, sa contribution… ?
A partir de l’interprétation de ses perceptions, de la signification et du sens qu’il leur donne, le collaborateur va adopter des comportements et des stratégies.
Comme nous l’avons vu dans deux récents articles sur l’Expérience collaborateur et la notion de perception, le collaborateur va reproduire des comportements et stratégies antérieurs ou les modifier sous certaines conditions. Et c’est sur ces conditions que l’entreprise peut agir pour réduire l’écart de perception et/ou l’écart d’interprétation.
Le vécu du collaborateur au regard de son travail impacte ainsi la performance individuelle et collective, la relation d’emploi et aussi des dimensions plus personnelles, comme l’identité professionnelle du collaborateur, son développement, son projet professionnel, etc.
Des dimensions auxquelles le collaborateur attache désormais une attention particulière, en lien avec la responsabilité qui lui incombe de piloter son parcours professionnel…Une attention qui se traduit par plus d’exigences envers l’employeur.
Pour ces raisons, et quels que soient les enjeux RH de l’entreprise et les objectifs assignés à la démarche Expérience Collaborateur, la fonction RH ne peut laisser de côté le contenu du travail.
On me rétorque souvent 3 arguments :
- les RH ne sont pas impliquées et associées dans la définition du contenu du travail. Elle relève des directions métier, des méthodes ou de la DSI… Les RH interviennent sur l’organisation du travail et les conditions d’exécution essentiellement via la santé au travail, les aménagements des espaces et des temps de travail… Un peu sur le contenu du travail à l’occasion des recrutements. Faire de la RH sans faire de l’organisation, c’est comme cultiver un jardin sans terre…
- Le contenu du travail de certains emplois est structurellement pénible ou inintéressant. On ne peut qu’améliorer les conditions de travail (moyens matériels, horaires de travail, ambiance, management, etc.) et gérer le turnover. Par expérience, il y a très souvent des tâches à mieux valoriser. Ou des missions et des projets à valeur ajoutée à confier pour enrichir le contenu du travail et faire évoluer les représentations. Il faut savoir parfois faire des concessions sur la productivité, d’autant que la réalité démontre en général qu’elle n’est pas impactée, voire qu’elle s’améliore. L’ouverture et la créativité sont des qualités clé en matière d’organisation pour ne pas se laisser enfermés dans les schémas existants. C’est ce que j’appelle « secouer le cocotier » de l’organisation.
- A l’opposé et pour d’autres raisons, on me parle aussi des difficultés à agir sur le contenu du travail des emplois très qualifiés, avec une forte autonomie : les cadres dirigeants, les managers, les experts… La posture de conseil et d’accompagnement de personnes de leur équipe ou d’un collègue peut faire mouche et enclencher une nouvelle relation. Tout le monde a besoin de feedback et d’un effet miroir. Il faut creuser des sillons avant de semer.
La fonction RH n’affirmera pas son leadership dans la transformation des entreprises sous l’effet du digital sans porter une vision nouvelle et dynamique de l’activité individuelle de travail.
Et sans réunir les conditions d’une adhésion des collaborateurs à cette adaptation/transformation pour l’entreprise et pour eux-mêmes.
J’aborderai dans la seconde partie de cette article comment le digital transforme le contenu même du travail, les impacts sur les stratégies de travail et de carrières des collaborateurs, les perceptions positives ou négatives qu’ils en ont.. Et comment une démarche RH conduite à partir de la notion d’expérience peut y contribuer.
A lire sur ce sujet sur Parlons RH : La QVT n’est que la partie émergée de l’expérience collaborateur