M. Bruno Mettling, DRH d’Orange, a rendu il y a quelques jours son rapport sur le thème « Transformation numérique et vie au travail« .

Le rapport est intéressant à lire pour les salariés comme pour les directions d’entreprise ou les professionnels RH car il laisse de coté l’analyse des technologies pour rester centrer sur les évolutions du travail, des conditions de travail, des relations de travail, du code du travail…

Parmi les 36 propositions formulées, la proposition n°15 a particulièrement retenu mon attention : « Réinscrire les nouvelles formes de travail dans notre système de protection sociale ».

 

La transformation numérique et la vie hors travail ?

La préconisation n°15 est ainsi résumée : « Au vu de ces évolutions des modes de travail comme de la diversification des parcours professionnels, il est nécessaire de favoriser un développement harmonieux de ces nouvelles formes d’emplois et d’activités, en construisant un socle de droits attachés à la personne et transférables d’une entreprise à l’autre et/ou d’un statut à l’autre, afin de lever les freins à la mobilité intra et inter entreprise. »

S’il est tout à fait pertinent de dire que les nouvelles formes d’emploi qui émergent, notamment le travail indépendant ou le travail mixte salarié et auto-entrepreneur, doivent conduire à adapter le dispositif de protection sociale, à l’instar du CPF, compte personnel de formation, il me semble que le rapport Mettling ne prend pas en compte la vie hors travail.

En effet, l’évolution des formes d’emploi, notamment le travail indépendant, doit conduire l’ensemble de notre société organisée autour du CDI à évoluer.

Difficile de louer un logement aujourd’hui si vous n’avez pas un contrat de travail en CDI, des bulletins de paie à produire, ou un avis d’imposition rassurant …  Comme il est difficile d’accéder au crédit bancaire pour acheter un logement ou une voiture, si vous ne pouvez pas produire ces mêmes documents. Comme il est difficile de trouver des bureaux à louer lorsque vous démarrez une activité indépendante…

Selon le rapport, « une personne en emploi sur dix exerce en effet une forme de travail indépendant en France et cette proportion progresse rapidement dans les secteurs les plus impactés par la transformation numérique. Selon les chiffres fournis par The Boston Consulting Group à la mission, le nombre de freelance a augmenté de 85% en France entre 2004 et 2013. »

L’émergence du co ou de l’uber est révélatrice des solutions recherchées pour adapter notre société à ces nouvelles formes d’emploi qui riment souvent avec précarité : plateformes de prêts entre particuliers, de colocation, de coworking, etc.

L’évocation d’un revenu garanti pour tous, un revenu universel versé sans contrepartie, relèverait aussi de ce raisonnement (à lire dans Le Monde,  Imaginer un revenu garanti pour tous).

Sans parler des robots qui travailleront pour nous … (à lire l’article d’Hubert Guillaud sur Internet Actu : Travail et automatisation : la fin du travail ne touche pas que les emplois les moins qualifiés.)

A moins que la coopérative ou le CDI via une société d’intérim ou de portage ne constituent d’autres réponses aux garanties à donner face à une vie hors travail directement impactée par une vie au travail

Après l’enthousiasme de l’innovation, qui, comme le souligne le rapport Mettling, apporte potentiellement des avancées ou répond à de réels besoins, arrive le temps de sa digestion en masse et des questions : comment orienter les innovations pour un mieux-être individuel et collectif ?

Nous vous recommandons de lire cet article en anglais de la revue HBR « Technology Should Be About More than Efficiency » « If we choose to re-claim our humanity, we can take the very same technology that is squeezing the humanity out of us and re-focus it on ways to reinforce and amplify our humanity »

Les nouveaux équilibres à trouver vont nous occuper dans les prochaines années…