Un grand merci aux responsables du Groupe Adecco France pour leur contribution à notre dossier et à nos interrogations sur le rôle de l’intérim aujourd’hui sur le marché du travail, et plus spécifiquement sur la passerelle que l’intérim peut constituer ou non vers l’emploi durable.
Martine Vallet, Directrice Marketing du Groupe Adecco France nous a apporté les éclairages suivants lors d’un entretien.
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En préambule, Martine Vallet rappelle un constat qui s’impose à tous : l’incertitude de l’économie et donc le manque de visibilité pour les entreprises impactent globalement le marché du travail et renforcent le recours à des modalités flexibles d’emploi dont l’intérim.
Ces évolutions du marché du travail ont conduit le Groupe Adecco à orienter ses actions autour de 3 mots clés :
– L’intégration
– L’accompagnement de la transition
– L’accompagnement des carrières.
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Les profils des intérimaires se répartissent ainsi :
- 5% des intérimaires ont choisi cette forme d’emploi. Il s’agit de personnes plutôt qualifiées sur des métiers en tension. Ces personnes choisissent leur rythme de travail mais aussi les entreprises pour lesquelles elles souhaitent travailler.
- 15% sont des étudiants qui trouvent dans l’intérim une source de revenus et une activité flexible adaptée à leur situation.
- 10% sont des jeunes qualifiés qui peinent à trouver un emploi en raison essentiellement d’un manque d’expérience et qui trouvent dans l’intérim l’opportunité de ne plus être débutant et d’enrichir leur CV.
- 25% des intérimaires sont des professionnels entre 25 et 30 ans en recherche d’un CDI, l’intérim s’inscrivant dans une logique de transition.
- 45% des intérimaires n’ont pas d’autres choix pour travailler en raison d’un manque de qualification ou d’un marché du travail dégradé dans leur bassin d’emploi.
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A notre interrogation concernant les personnes qualifiées (les 10% et les 25%) et sur le risque de déclassement ou d’éloignement du projet professionnel initial et de la qualification, Martine Vallet précise avec un juste pragmatisme que si la personne ne trouve pas de débouché dans sa formation initiale, l’intérim peut constituer une opportunité de réorientation.
En réponse à notre question sur la prise en compte ou non de la qualification par les agences lors des propositions de missions aux intérimaires, Martine Vallet précise que lors de l’inscription une personne définit les missions et postes qu’elle vise, parfois aussi les entreprises. Lorsque le besoin est aligné sur les attentes de la personne, le poste lui est proposé. S’il ne l’est pas, elle peut refuser, avec une attention particulière de l’agence à ne pas laisser la personne sans activité et donc sans revenu.
Enfin concernant la nécessaire adaptation à différents environnements et postes, Martine Vallet reconnaît que la diversité des missions et des organisations contribue à développer les compétences et la capacité d’adaptation, mais aussi que toutes les personnes ne disposent pas ou ne développent pas cette aptitude.
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Pour favoriser l’intégration professionnelle des personnes les plus éloignées de l’emploi, Adecco a construit depuis 15 ans, Réseau Adecco Insertion, un réseau dédié de 62 agences d’insertion (objectif : un réseau de 100 agences ) qui ont pour vocation d’accompagner les personnes les plus en difficultés d’emploi.
Cette initiative sert à la fois les personnes et les entreprises, les premières en recherche d’une qualification et d’un emploi, les secondes en difficultés de recrutement sur certains métiers. Cette initiative s’inscrit dans les actions de RSE (responsabilité sociétale) du Groupe et contribue à améliorer l’adéquation entre l’offre de compétences et la demande.
Adecco a également mis en place un programme CAP (Comportement – Assiduité – Professionnalisme) qui permet à la personne en mission d’obtenir au terme de 3 missions une certification attestant de ses compétences comportementales en milieu professionnel, certification qui peut être valorisée lors d’une recherche d’emploi.
46000 personnes sont également formées chaque année par le Groupe Adecco, une contribution à l’adéquation offre/demande mais aussi au développement de l’employabilité individuelle.
Selon Martine Vallet, 30% des intérimaires d’ADECCO parviennent à se faire recruter en CDD ou en CDI suite aux missions réalisées.
Par ailleurs, les sociétés de travail temporaire développent aujourd’hui des activités de recrutement (CDD/CDI). Ce qui renforce potentiellement les possibilités d’accès à un emploi stable via l’intérim.
Les activités de formation et d’accompagnement des parcours contribuent à faire d’Adecco aujourd’hui un acteur de l’Emploi et des parcours professionnels, dépassant sa première vocation de société de travail temporaire.
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Les réflexions d’id-carrieres
Les éléments précisés par Martine Vallet du Groupe Adecco France appellent les réflexions suivantes concernant l’intérim et l’emploi durable :
– Pour des personnes qualifiées, bien orientées professionnellement par rapport au marché du travail, mais en difficultés compte tenu de la conjoncture, si elles parviennent à avoir des missions en adéquation avec leurs compétences, l’intérim peut constituer une solution de transition répondant aux besoins financiers, aux besoins de maintenir actives les compétences, de faire de nouveaux apprentissages et d’engranger des expériences et des ressources qui sont à valoriser dans la recherche d’un emploi en CDI.
– Pour des personnes qualifiées mais en décalage de qualification par rapport au marché du travail, et ce quel que soit l’âge, l’intérim peut favoriser une reconversion professionnelle à condition que le projet soit défini, soutenu par une formation professionnalisante et des missions temporaires qui renforcent la professionnalisation et l’employabilité. Le conseil en orientation professionnelle (l’impresario) est un élément clé pour réussir cette reconversion professionnelle.
– Pour des personnes non qualifiées mais disposant d’un objectif d’emploi, l’intérim peut constituer une passerelle vers un premier niveau de qualification à acquérir par l’expérience et à soutenir par des apprentissages plus structurés (formation). Il peut aussi intervenir après la formation via des initiatives publiques pour exercer la qualification acquise et justifier d’expériences professionnelles contribuant à sa reconnaissance par le marché.
– L »orientation des profils vers les missions d’intérim ou vers le recrutement à durée indéterminée/déterminée peut être difficile à arbitrer en fonction de l’offre et de la demande pour des compétences données.
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Plus globalement, la question de l’intérim et de son lien avec l’emploi durable appelle une réflexion plus large sur les nouvelles formes d’emploi et l’évolution du salariat comme modèle privilégié de carrière tel que nous l’avons connu.
L’élan entrepreneurial semble saisir toutes les générations par aspiration ou réaction, par choix ou contrainte.
Hors, la capacité de chacun à entreprendre son parcours professionnel dans des formes d’emploi nouvelles ET alternées nécessite d’accompagner le développement d’aptitudes et de savoir spécifiques dès l’école et d’ouvrir l’accès à la formation, à l’orientation et à l’accompagnement tout au long de la vie : le rôle d’impresario souligné par Martine Vallet et auquel nous essayons de contribuer avec la plateforme d’accompagnement id-carrières.