Le Groupe Manpower via sa filiale Right Management a publié mi-septembre une étude portant sur la guerre des talents et l’inquiétude des directions de se voir piller les collaborateurs les plus performants ou les talents potentiels mis sur orbite.
Au-delà de la confirmation de la réalité d’une compétition croissante (56% des dirigeants et DRH interrogés estiment que d’autres entreprises tentent de débaucher leurs salariés les plus performants, ici dirigeants et top managers), il est surtout intéressant de retenir de cette étude les éléments suivants :
- 47% des dirigeants et DRH interrogés ne sont pas certains d’avoir un réservoir de talents aptes à prendre des responsabilités croissantes,
- 27% (seulement) des entreprises disposant de programmes de développement du leadership sont davantage confiantes dans leur capacité à disposer demain des cadres qui pourront prendre en mains des missions de dirigeants et de cadres confirmés.
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Talons d’Achille…
Il y a guerre des talents parce que :
- la situation démographique avec des départs massifs à la retraite engendre une rareté des compétences entre une génération volumineuse qui sort et une génération moins importante qui n’est pas encore prête à prendre la relève ?
- la mondialisation des économies a fait naître un marché du travail global,
- les institutions d’enseignement et de formation ne parviennent pas à suivre le rythme des évolutions organisationnelles et économiques et mettent sur le marché des diplômés en décalage de compétences et de culture avec les besoins des entreprises ?
- ….
Mais aussi parce que :
- confrontées aux mêmes défis économiques, les entreprises recherchent toutes les mêmes compétences contextuelles ?
- un grand nombre d’entreprises ont privilégié depuis plusieurs années le recrutement de professionnels déjà formés et éprouvés, « des talents tout prêts », en délaissant une politique interne de développement des talents et d’animation des trajectoires individuelles par manque de volonté, de réalisme ou de compétences RH ?
- celles qui ont développé des réservoirs de talents, les hauts potentiels, n’ont pas identifié les bons leviers d’un développement individuel allié à celui de l’appartenance, les sorties du réservoir ayant laissé par ailleurs à beaucoup un goût amère… ?
- face au désengagement de l’emploi de la part des entreprises pour cause de flexibilité, les carrières se sont individualisées et les salariés les mieux lotis, les meilleurs, sont désormais plus difficiles à fidéliser ou n’envisagent plus avec l’expérience le salariat ?
- on use les talents plus vite qu’avant !! la pression de la gouvernance, la réactivité et la complexité des affaires… ?
- on ne sait plus les reconnaître ?
- etc.
Des éléments, et d’autres probablement oubliés ici, qui se cumulent et se pondèrent aussi différemment pour chaque entreprise. Selon son secteur d’activité, ses marchés, ses environnements, sa taille, ses localisations, ses pratiques de GRH et de management, sa gouvernance, sa culture… Le tout constituant ou non la capacité de chaque entreprise à attirer et à retenir les salariés talentueux.
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Les directions d’entreprises ne peuvent qu’élaborer des stratégies et des réponses face aux éléments d’environnements qui s’imposent à elles.
En revanche, elles disposent de nombreux leviers internes. Ces leviers n’appellent pas de ressources financières supplémentaires (cf. PME). Ils relèvent davantage d’un saut qualitatif conduit dans la durée, dans la politique RH, les pratiques de management et la culture d’entreprise vécue quotidiennement ou encore la présence sociale…
Des armes qu’on ne peut pas produire au moment où la bataille se joue…
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À l époque ou j étais un salarié en charge de la montée en charge de service formation, j’étais amené régulièrement à puiser dans les ressources internes pour disposer de formateurs et de managers. Presque systématiquement, je devais lutter contre les rh et managers pour faire évoluer un salarié. J étais confronté à deux types de réponse : il est mauvais à son poste pourquoi serait il bon à un autre, il est tellement bon à ce poste qu il sera bon à un autre!
Sans oublier dans certaines entreprises, les effets néfastes des réseaux ou le copinage primait sur les compétences professionnelles.
Le plus instructif mais mal vécu par l entreprise était lorsqu qu avec des formations en ligne sur le management par exemple, les meilleurs resultats étaient obtenus de simples opérateurs, l un des effets pervers de l intelligence relationnelle
Bonjour Frédéric,
Tout à fait d’accord avec toi sur ton analyse à la fois de la vision, du management et du sens à donner et à diffuser auprès de tous en commençant par la gouvernance.
Comme je le notais dans un article l’an dernier « L’entreprise, c’est qui ? » ce sont avant tout des femmes et des hommes, actionnaires, dirigeants, financiers bien évidemment, mais qui doivent aussi donner du sens au travail réalisé par tous, animer une culture interne, en être eux-m^mes les meilleurs exemples, et porter une vision de leurs marchés et de leur organisation. Si les politiques RH et les pratiques managériales étaient plus qualitatives, les besoins prospectifs en talents pourraient faire l’objet de nombreuses actions et pas seulement d’une logique de débauchage d’un collaborateur tout prêt à piquer au concurrent. mais tout cela s’inscrit effectivement dans la durée !
Merci pour ton témoignage toujours apprécié pour ton pragmatisme et ton bon sens 🙂
Cet excellent billet me fait penser qu’il manque très souvent en entreprise
– Un Vraie Vision RH Moyen Long Terme…
Les effets macro-économiques ne sont pas seuls responsables d’un chaos supposé d’inadéquation entre offre et demande, entre pénurie et disponibilité des Talents. Encore faut-il que les actionnaires puissent donner suffisamment de perspectives aux dirigeants de groupes ou de filiales et des perspectives autres que « la simple maximisation du profit » à court terme.
Qu’ai je envie de faire de mon entreprise à un horizon de 10-15ans; Qu’est-ce que ça suppose en terme d’identification de sources de croissances externes et internes. Et de fait de quelles ressources humaines vais je devoir me doter pour y parvenir…
Si chaque organisation se posait la question ainsi, peut-être aurions nous un commencement de réponse, quels qu’en soient les constats et les conséquences.
Mieux vaut le savoir en amont plutôt que de faire le constat de pénurie, de non fidélisation des Talents une fois arrivé dans l’impasse.
Manager est un acte de courage. Avoir une vraie Vision est sans doute un Devoir. Certaines organisation semblent l’avoir oublié.
Peut-être d’ailleurs un peu moins les sociétés éponymes que celles qui vont chercher des « Talents Ephémères » et jetables, comme JM Messier à une certaine époque….
Cf. aujourd’hui l’exemplarité de Danone, Dassault, Gpe Mulliez etc.
Ces derniers ont réussi à mettre en place une certaine pérennité et une certaine constance, grâce à la transmission d’un ADN fort.
Peut-être une clef de réflexion ?