Je vous livre ici mon interprétation très personnelle du terme Talent, des personnes de talent, les Talents … et de son évolution.

Loin d’avoir fait des recherches spécifiques ou une revue de la littérature académique sur le sujet, c’est à partir de mes expériences en entreprises et de mes observations, de mes nombreux échanges avec d’autres professionnels des RH et du management que je me lance sur un sujet qui fait toujours débat parmi les spécialistes de la gestion des entreprises ou les salariés.

Débats parmi les spécialistes sur les modalités pour identifier, développer, attirer, retenir des personnes de talent.

Débats parmi les salariés qui l’interprètent comme un critère supplémentaire, élitiste, flou (voire fumeux) de sélection… sur un marché du travail qui leur est défavorable.

Le talent, une notion venue d’ailleurs… 

La notion de talent, plutôt réservée au monde des arts et du sports, a été progressivement reprise dans l’entreprise depuis les années 90 dans des contextes démographiques et économiques qui positionnent la rareté des ressources humaines, les aptitudes à faire face à l’incertitude, donc à la prise de risques, à produire de l’innovation et de l’agilité stratégique et opérationnelle … comme facteurs et donc enjeux de la performance et de la réussite économique de l’entreprise, dans une compétition mondiale exacerbée, l’hypercompétition.

C’est pourquoi les expressions comme attirer les meilleurs ou faire la différence sont couramment reprises quand on parle des personnes de talents ou du management des talents.

Le talent, un attribut individuel …

Le talent comme la compétence sont des attributs portés par les personnes individuellement.

Comme la compétence, le talent se développe ou s’abandonne en fonction de l’évolution personnelle de l’individu et du contexte qui nécessite ou non de les mobiliser ou qui les stimule ou pas…

Cependant à la différence de la compétence pour laquelle tout le monde convient qu’elle s’acquière et se transmet par l’apprentissage terrain, la formation ou le mentoring, nombreux voient dans le talent des dispositions naturelles qui feraient la différence, comme pour l’artiste ou le sportif.

Tout inné qu’il puisse être, il est aussi convenu que les conditions et les environnements de son expression sont déterminants pour qu’il soit identifié et apprécié dans ses livrables (les émotions de l’oeuvre de l’artiste, le podium du sportif, l’innovation créé par le salarié talentueux dans l’entreprise …).

Ce dernier point me semble très important pour comprendre l’intérêt que les sciences de gestion et les entreprises ont eu à adapter la notion de talent à leurs finalités et à leurs objectifs. Pour également, percevoir (peut-être) plus positivement ce qu’individuellement et collectivement nous avons à retenir de cette notion pour la formation, la gestion des parcours professionnels, la valorisation du travail …

Monsieur ou Madame Talent

Juste parce qu’il est intéressant de le relever, le talent est aujourd’hui employé pour désigner une personne : on recrute, forme, manage des Talents.

De l’équipe avec un Leader aux Talents …

La mondialisation, la place de l’innovation dans la production des biens et des services et les évolutions démographiques ont fait prendre conscience aux entreprises que la performance de leurs processus de production était une condition nécessaire mais pas suffisante pour réussir. Nous avons donc connu dans les années 90, la tendance lourde de l’équipe qui gagne avec un manager leader. A noter le même parallèle avec le sport (plutôt collectif …) ou les arts (la musique et l’orchestre …).

C’est aussi la période reine de la « compétence » managériale ou technique, qui a des difficultés à se mettre en pratique, mais dont tout le monde parle dans une logique d’adaptation aux changements profonds au sein des entreprises.

Et puis l’expérience, les compétences acquises et l’adaptation ne suffisent plus dans une compétition qui s’accélère et se complexifie. C’est l’heure du changement continu qui nécessite des innovations continues, de la réactivité, de l’agilité …

Les apprentissages réalisés par les entreprises ou les théories pour former de leaders internationaux (adaptation à de nouveaux marchés, conditions de la formation à l’internationalisation, recrutement local ou pas, choix d’organisation centralisée ou localisée, …) puis les constats des années 2000, les théories aussi, sur les nouvelles conditions de réussite de jeunes entreprises, les start-up technologiques, ont conduit à définir les nouvelles conditions de la performance économique des entreprises dont la notion de Talent est une des composantes dans une définition qui a été revue.

Les sociétés technologiques ont ouvert une nouvelle voie en matière de management des talents. Elles ont en effet démontré que la performance et l’agilité de l’entreprise dans un contexte d’incertitudes et de risques pouvaient se construire sur des individualités, des salariés performants parce que fortement créatifs, motivés par des projets/ des activités, des salariés mobiles, cette mobilité nourrissant à la fois leur créativité et leur motivation … Cette mobilité alimentant aussi leur valeur sur le marché du travail … (point que nous aborderons dans notre prochain article).

Les évolutions de l’environnement économique et les observations des pratiques qui marchent ont conduit progressivement les entreprises (une partie) à concevoir des politiques de management des Talents avec l’objectif d’attirer des Talents révélés, de former (cf. démographie/compétition), de les fidéliser (au moins le temps où ils constituent un facteur de performance…).

Si beaucoup de salariés interprètent l’utilisation du mot Talent dans le recrutement ou le management comme une démarche démagogique, ils doivent aussi se poser la question : n’est-ce pas une exhortation ?

Qu’est-ce qu’un Talent ? Ma définition …

Le salarié talentueux, le Talent, est en position de management ou d’expertise dans l’entreprise,

Il se caractérise par l’excellence de ses compétences métier, acquises par la formation, l’expérience ou mise en pratique intuitivement, complétées par ses aptitudes à :

  • apprendre en permanence,
  • transférer ses connaissances et ses compétences auprès des autres, en interne et en externe,
  • adapter, transformer, renouveler ses savoir-faire et ses attitudes pour en tirer le meilleur parti dans un environnement complexe et en mouvement qu’il affectionne, par ses aptitudes à innover et à anticiper, à expérimenter,
  • être ouvert sur le monde et à s’enrichir des observations,
  • développer un esprit critique,
  • s’engager même à durée déterminée,
  • se développer personnellement tout en contribuant à une équipe.

 

On peut en déduire que :

  • Le Talent, c’est potentiellement Monsieur et Madame Toutlemonde, non ?
  • Le Talent a les caractéristiques des nouvelles générations ? Aurait-on réussi à faire pousser les Talents ? 🙂
  • La dimension entrepreneuriale du Talent pour l’individu et pour l’entreprise …

 

La notion de Talent retenue ici porte potentiellement un rééquilibrage des pouvoirs qui n’est pas encore perçu par les salariés et par les entreprises dans sa double dimension d’opportunités et d’exigence.