Les réseaux sociaux ont fortement préempté les innovations d’outils et de pratiques en matière de recherche d’emploi et de recrutement, depuis plus de 10 ans en mobilisant l’effet réseau.

Les réseaux sociaux sont aujourd’hui devenus une pratique courante pour un grand nombre de candidats et de recruteurs.

Les enquêtes pointent une hausse régulière et significative du taux d’adoption par les candidats (34% en 2017 vs 53% en 2018 selon HelloWork) et une stabilité chez les recruteurs avec un taux d’adoption élevé (70% en 2017 vs 74% en 2018).

Pour autant, il n’existe pas de statistiques sur la réussite de l’objectif ultime : trouver un emploi ou trouver le nouveau collaborateur. Certains diront que ce n’est pas l’objectif assigné…

Les réseaux sociaux ont-ils amélioré l’efficacité de la recherche d’emploi pour les candidats et du recrutement pour les entreprises ? Pas sur !

Les réseaux sociaux facilitent-ils la recherche d’emploi et le recrutement ? Pas tout à fait sur…

Alors qu’ont-ils concrètement apporté aux candidats et aux recruteurs qui se sont activés ou vitrinisés depuis 10 ans ? Recrutement et Clonage : ne mettez pas votre CV sur votre profil social 

Que doit-on demander aux prochaines innovations qui pointent déjà leur nez, et aux suivantes que nous ignorons encore ?

Bilan des réseaux sociaux pour les candidats

Les promesses des réseaux sociaux envers les candidats au regard des effets Réseau sont partiellement accomplies :

  • Ils démocratisent et enrichissent les démarches réseaux toujours clé dans un parcours professionnel. Un constat partagé par l’enquête HelloWork, « les réseaux sociaux ont dopé la pratique du réseautage ».
  • Ils réduisent la distance relationnelle et rééquilibré les influences et les pouvoirs.
  • La relation recruteur-recruté est plus empathique, sous la menace de la réputation 😉 La communication est aussi moins statutaire, sous l’influence de la culture digitale cf. happycratie
  • Ils offrent de la visibilité aux profils en poste. Ils stimulent aussi la veille discrète du marché du travail (même si quand le collaborateur commence à bouger, ça se voit un peu ou beaucoup 😉
  • Les premiers professionnels ont attiré les recruteurs. La présence des recruteurs a attiré d’autres professionnels. Les deux parties créent réciproquement de la valeur dont tout le monde bénéficie, et en premier lieu la plateforme…

Par ailleurs, les réseaux sociaux ont dans une certaine mesure faciliter les démarches de recherche et de candidature :

  • Plus d’informations sur les entreprises et les collaborateurs, cf. Marque Employeur,
  • Une comparaison plus directe des employeurs et de leurs offres,
  • Un acte de candidature de plus en plus simplifié, via le profil social (même si on vous demande toujours le CV ensuite ou en même temps…)

Les pratiques de recherche d’emploi et de recrutement via les réseaux sociaux se sont modelées progressivement au gré des capacités et des possibilités individuelles, collectives, organisationnelles.

Et aussi ! Au gré de la construction par expérimentation des modèles économiques des plateformes sociales (l’autre versant des effets Réseau).

Le discours très marketé du digital nous a aussi, en partie, détourné des évolutions de fond projetées en matière de pratiques de recherche d’emploi et de recrutement.

A lire l’excellent article sur Interactu : Uberland, l’avenir du travail à l’heure des algorithmes.  

 

Du côté des inconvénients ou des risques pour le candidat, je noterais :

  • La présélection directe sur le profil, sans interaction avec le candidat, utilisation en logique de profilthèque (courant),
  • Des règles de référencement et de présélection automatique peu lisibles pour les individus,
  • Des démarches plus exigeantes pour les candidats en raison de la diversité des modalités de candidatures (et de sélection…),
  • La sur-sollicitation de certains profils,
  • Une communication RH des entreprises pas toujours alignée sur la réalité,
  • Une fracture numérique pour les actifs les moins à même d’accéder et de s’auto-former aux nouvelles pratiques et aux nouveaux codes de ces réseaux,
  • Une frontière vie privée et vie professionnelle ténue, notamment sur Facebook, voire Twitter.
  • Des données issues des connexions et des interactions qui bénéficient plus aux employeurs, et surtout aux plateformes pour alimenter leurs offres de services.

LinkedIn tente depuis quelque temps de restimuler la présence et l’engagement de ses membres, en proposant des services à double utilité, individus/entreprises : les informations sur les salaires (pas encore très pertinente en France selon mes observations) ou le positionnement de la candidature par rapport aux autres profils. Et plus récemment, des modules de formation LinkedIn Learning.

Bilan des réseaux sociaux pour les recruteurs

Les réseaux sociaux ont aussi tenu partiellement leurs promesses envers les recruteurs au regard des effets Réseau :

  • Des bases de profils élargies et accessibles à tous (plus accessibles si vous avez un petit budget à y consacrer…),
  • Plus d’informations sur les candidats,
  • Plus d’opportunités d’interagir directement avec les profils, notamment avec ceux qui sont en poste,
  • La mise à disposition d’outils de sourcing et de gestion des candidatures pour ceux qui n’en ont pas,
  • Une communication de recrutement élargie et plus en dynamique (autre canal, multimédia, ton renouvelé, Marque Employeur, etc.)

Avec les inconvénients, voire les risques, suivants :

  • Les mêmes bases de profils à partager,
  • Des algorithmes inconnus qui guident et influencent leurs actions,
  • Une segmentation à faire selon les réseaux et les profils recherchés,
  • Une mise en concurrence plus directe entre employeurs,
  • Le manque de moyens supplémentaires (accès aux services payants, temps à y consacrer, compétences de communication, création des supports, etc.)
  • Une communication et une réputation non maitrisée, impactées par la communication des candidats.

En complément d’un accès élargi à une base de profils et d’un nouveau canal de communication potentiellement plus riche, les réseaux sociaux ont dépoussiéré la mise en relation avec les candidats potentiels ou effectifs.

Et les réseaux sociaux ont aussi fait évolué les métiers du recrutement, les compétences et la culture d’un grand nombre de professionnels RH.

Recherche d’emploi et recrutement : Quelles innovations demain ?

Comme pour les candidats, les réseaux sociaux, et plus largement le numérique et le digital, ont empilé les couches pour les recruteurs.

Ils ont accru et diversifié les stratégies et les actions à conduire par les recruteurs, même à l’aide du meilleur marketing RH tel que recommandé par Thomas Chardin de Parlons RH.

A l’exception de quelques grands groupes, les ressources humaines, financières ou technologiques des activités de recrutement n’ont pas beaucoup évolué dans les entreprises, même en pleine bataille des talents.

Ces dernières années, les réseaux sociaux, et plus largement les innovations de recrutement (et il y en a des créations d’entreprises dans ce domaine et quelques rares startups…) semblent avoir débloqué des points de friction ou de sclérose du recrutement ou de la recherche d’emploi.

Pour autant, ils n’ont pas réussi à simplifier ces activités, notamment sur le plan cognitif.

Ils n’ont pas non plus réussi à sécuriser les démarches, du point de vue de l’expérience des utilisateurs ou du résultat.

Par ailleurs, ces innovations semblent avoir amplifié la fracture numérique et sociale. Probablement parce qu‘elles ne sont que le reflet du marché du travail…

Les prochaines innovations ne devront pas se cacher derrière un storytelling et des buzzwords comme on peut déjà les entendre : le candidat ou le recruteur augmenté, Tech for Good et toutes les déclinaisons…

Et je crois qu’elles ne le pourront pas.

Les apprentissages, les expériences et les retour d’expériences de ces 20 dernières années ont affuté nos attentes envers ces nouvelles technologiques et  leurs usages.

Passée l’étape de découverte de ces dernières années, ces attentes vont davantage s’exprimer, et filtrer les innovations qui nous apportent réellement du mieux, et non du plus.

En matière de recrutement et de recherche d’emploi, ces prochaines innovations devront :

  • réellement favoriser la relation humaine,
  • contribuer à porter notre attention de candidat ou de recruteur sur les personnes, les informations, les apprentissages pertinents…
  • contribuer à lever les rigidités du marché du travail.