Quels sont les liens entre l’expertise, l’expérience et la responsabilité ?
Nous avons régulièrement abordé la question de l’employabilité et du projet professionnel Projet professionnel : Manager ou Expert.
Il nous semble utile de revenir aujourd’hui sur les notions d’expertise, expérience et responsabilité, en tenant compte de la nouvelle donne du numérique : nouvelles conditions d’apprentissage et de développement des compétences, nouvelles notions d’influence et de personal branding, et nouveaux besoins du marché du travail.
Cadres parce qu’expérimentés donc experts ?
Une étude de l’APEC révèlait que les cadres expérimentés se sentent experts :
– Plus experts que les cadres des filières scientifiques, techniques ou technologiques.
– Plus experts que les jeunes cadres spécialisés.
– Plus experts que les cadres qui n’ont pas de responsabilités hiérarchiques…
Ce qui revient à conclure que :
– on se sent expert quand on a de l’expérience,
– on est expert parce qu’on a de l’expérience,
– on est reconnu expert parce qu’on a des responsabilités.
Rien n’est moins sur par les temps qui courent…
Expert parce qu’expérimenté ou reconnu
Selon les définitions du dictionnaire, l’expert est celui qui détient des connaissances pointues dans un domaine de spécialité.
L’expert peut s’autoproclamer « expert ». Mais, c’est surtout la reconnaissance par des non-experts ou d’autres experts (les pairs) qui fait d’un expert un « expert », en raison de ses apports et de ses contributions à un groupe ou à la société.
C’est aussi la reconnaissance sociale qui fait la valeur d’un expert sur le marché du travail, et donc son employabilité.
Dans l’étude conduite par l’APEC, les personnes interrogées évaluent leur expertise à travers les responsabilités confiées. L’évolution verticale, la position hiérarchique obtenue sont, pour elles, le signe de la reconnaissance par les autres de leur expertise. Et donc par elles-mêmes. Plus on est positionné en haut de la hiérarchie, plus on se sent expert.
Les difficultés d’emploi des seniors sur le marché du travail ne questionnent-elles pas cette logique : Expert parce que Responsable ?
L’expérience est censée avoir renforcé l’expertise des seniors, mais on ne leur confie plus d’emploi, donc de responsabilités. L’expertise n’est plus reconnue, donc valorisée.
Les seniors ne l’ont pas perdu pour autant, mais ils n’ont plus le statut social d’expert. Dans les faits actuellement, deux éléments prévalent à la fin de cette reconnaissance sociale. Le premier relève du coût, de la valeur de l’expertise que les entreprises ne peuvent ou ne veulent pas payer : « trop vieux, trop cher ». Le second de l’évolution rapide des connaissances, et de leur obsolescence rapide. L’expérience n’est plus seulement révélatrice des connaissances pointues acquises, des compétences détenues.
L’expérience n’est plus synonyme d’expertise, en raison des innovations rapides et de la transformation des modes d’apprentissage qui les accompagnent.
Expert parce que jeune ?
Le numérique illustre la fin de la corrélation implacable entre l’expertise et l’expérience, vue comme un temps long d’apprentissage et de pratique.
Sans tomber dans les généralités de la génération Y ou Z, de jeunes professionnels sont reconnus comme des experts du numérique, ou de l’une des nombreuses spécialités qu’il recouvre. On leur octroie le statut d’expert, on leur confie des responsabilités, ou ils les prennent ! … sans pour autant détenir une longue expérience.
L’expertise en matière de numérique semble reposer davantage sur la capacité à expérimenter, à veiller, à apprendre vite et en continu de ces expérimentations.
Avec le numérique, l’expérience n’est pas le fait du temps long, mais au contraire du temps court et de l’agilité.
D’autre part, l’expertise numérique repose sur la nouveauté.En relatif, peu de personnes détiennent des connaissances et une pratique du domaine.
Les non-experts octroient donc le statut d’expert à ceux qui en connaissent plus, sans en être pour autant des experts, au sens de la maitrise d’une spécialité.
Entre « experts » du numérique, les relations sont moins tendres, car il y a une course au plus expert dans un environnement de recherche et de développement continus, et aussi de reconnaissance.
Il sera intéressant de suivre l’évolution de ce statut d’expert dans les prochaines années, au fur et à mesure que les technologies numériques et leurs usages se diffusent dans la société et dans les organisations et se renouvellent aussi !
De la même façon qu’il y a eu et qu’il y a une différence de statut et de valorisation entre l’expert manager et l’expert technique ou scientifique, il y aura probablement de nouvelles échelles dans l’expertise digitale. Probablement liée à la notion de contribution.
Ce mouvement est déjà perceptible aujourd’hui entre les théoriciens du numérique et ceux qui le pratiquent. La théorie semble plus facile à acquérir en raison des informations, des connaissances, des expérimentations, des analyses partagées grâce aux médias sociaux.
Les médias sociaux accélèrent potentiellement le développement de l’expertise individuelle et collective. Ils jouent un rôle clé dans une nouvelle reconnaissance sociale de l’expertise.
On y retrouve la reconnaissance par les pairs et par les non-experts au sein de communautés. Ces communautés sont plus visibles et plus expressives qu’avant. La reconnaissance de l’expertise se diffuse et s’amplifie.
Si l’expert était expérimenté et en responsabilités dans une organisation, le statut d’expert peut être aujourd’hui octroyé à une personne peu expérimentée et en influence au sein de communautés plus larges.
Enfin les médias sociaux autorisent aujourd’hui chacun à aller conquérir cette reconnaissance et ce statut d’expert grâce au personal branding, au marketing de soi.
Une visibilité et une réputation utiles pour développer son employabilité à travers l’expression, la promotion et l’illustration de ses expertises professionnelles. Le numérique en devient progressivement et pour tous une composante à part entière, quels que soient l’âge et les responsabilités…
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Bonjour Marie-Pierre,
Comme la compétence qui est un concept de type janus (soi et les autres), à savoir qu’une compétence pour exister doit etre reconnue par l’individu et par les autres. Dès qu’on a écrit cela, il convient alors d’aborder l’environnement, le contexte, etc puisque comme nous le savons tous, nous pouvons nous considérer et etre considéré comme compétent dans une entreprise et pas dans une autre.
Plus spécifiquement pour l’expertise, il est également intéressant de savoir pourquoi les plus expérimentés se trompent plus souvent que les novices dans des situations critiques alors qu’ils sont justement à leur poste pour leur expertise.
D’après les scientifiques (Klein, Lebraty, Pastorelli, Endsley)qui ont réalisé une étude sur la compréhension des mécanismes décisionnels entre 1998 et 200, leurs conclusions sont que les plus expérimentés n’évalue qu’une seule solution, certes avec ensuite des options mais une SEULE solution ( le coté il n’y a pas d’alternative, ils n’ont pas lu ou ne se souviennent plus d’Aristote : il n’ y a une solution pour étudier les choses).
l’expert contrairement au novice apporte des propositions et des analyses de solution potentielle au lieu d’améliorer sa compréhension de la situation et de comparer les options.
Cette erreur (considérer qu’une seule solution) serait le fruit de 4 paramètres :
– leurs modèles mentaux
– leur expérience
– leur émotion
– leur intuition
Cela nous renvoie aux travaux de Fradin sur le mode mental automatique et adaptatif ainsi que sur la place de l’intuition accordée par l’entreprise et des solutions mises en place par les service formation sur le problème des biais cognitifs que nous connaissons tous.
vaste débat qui est loin d’etre clos