Sécateur à vendange
« Une annonce d’emploi doit-elle être sélective ? » La question a été posée par Thomas Delorme de TMP (Retour sur la Conférence Marque Employeur et Marketing RH organisée par GBLN)

Les réponses ont été partagées entre le oui et le non. Intéressant donc de se repencher sur la question. Vos avis et expériences en tant que recruteur ou candidat sont les bienvenus.

NB : La sélectivité de l’annonce est ici relative aux compétences, aptitudes, nature de l’expérience des candidats à occuper l’emploi concerné, etc. dans le respect de la règlementation portant sur la non discrimination à l’embauche et l’égalité des chances..

Un appel à candidatures, entre stratégie et habitude

L’annonce d’une offre d’emploi n’est pas une offre, elle est davantage un appel à candidatures.

Par stratégie, par défaut ou par habitude, l’annonce est un des canaux historiques du recrutement et de la recherche d’emploi Le pouvoir de l’annonce

Et en dépit de tout ce qui a été formulé sur la révolution du « recrutement social », plus relationnel, plus conversationnel, plus collaboratif… il n’a pas détourné les entreprises de l’annonce. Elles l’utilisent aussi beaucoup sur les médias sociaux.

Internet a démocratisé l’accès à l’annonce pour les entreprises et les candidats.

Si l’entreprise a plus de chances de trouver le collaborateur recherché à partir d’un volume plus important de candidatures, la contrepartie du e-recrutement est le coût de traitement des candidatures reçues, une majorité d’entreprises réalisant encore manuellement la sélection sur la base des CV.

Il peut y avoir des besoins et des objectifs derrière une stratégie visant le volume, quelle que soit la nature des candidatures :

  • Recruter en nombre pour un même fonction,
  • Rechercher les meilleurs candidats sur la base d’une forte sélection,
  • Capter des profils non spécifiques que l’entreprise formera,
  • Générer un flux continu de candidatures ou constituer un réservoir de candidats,
  • Utiliser le volume de candidatures reçues et leur nature comme un indicateur d’image, de notoriété et/ou d’attractivité de l’entreprise,
  • Rester visible en tant qu’employeur sur le marché du travail,
  • Contribuer à la visibilité de la marque commerciale,

Pour la plupart des entreprises, l’annonce d’emploi vise à appeler la candidature de professionnels répondant aux facteurs clé de réussite dans le poste.

Dans le contexte actuel de pénuries de compétences et de chômage de masse, de massification et d’individualisation du recrutement, la performance qualitative de l’annonce a besoin d’être renforcée.

 

L’annonce : une intention de sélectivité

Une annonce d’emploi est théoriquement accessible à tous. Et chacun peut faire acte de candidature. Si elle ne peut être discriminatoire, elle peut néanmoins porter une intention de sélectivité, directement ou indirectement exprimée.

Une intention de sélectivité à laquelle les techniques du marketing peuvent aider, et notamment la segmentation, le ciblage et le mix marketing.

 

« Le produit » : c’est d’abord l’emploi, le poste, les missions. Puis ce que l’entreprise peut offrir pour satisfaire les besoins et les attentes des profils visés. Plus la proposition de valeur au collaborateur est singulière et adaptée à la cible, plus l’annonce permettra d’attirer des candidats convergents.

 

« Le prix » : ce sont les critères à remplir pour être sélectionné et recruté. Le prix à payer, c’est aussi les modalités de candidature et de sélection. Il est intéressant d’observer actuellement que les avis des recruteurs sont partagés au sujet du dépôt de candidatures :

– faciliter la candidature en la mettant à porter d’un clic, Trouver un job en un clic : la nouvelle promesse de recrutement ?
– ou bien la renforcer, pour ne garder que les candidats qui évaluent positivement leur chance d’être sélectionné au regard des critères posés et/ou les candidats les plus motivés, la motivation ne préservant pas d’une candidature inappropriée…

 

« La distribution » : ce sont les canaux de diffusion de l’annonce. Les médias sociaux ont transformé la diffusion de l’annonce. Elle se déplace là où sont les candidats potentiels, actifs ou passifs, et notamment vers les médias sociaux Les candidats actifs sont-ils ceux que l’on croit ?

La diffusion de l’annonce d’emploi bénéficie aussi de la viralité du réseau et peut ainsi élargir son audience, tout en maintenant un bon niveau de qualification et d’attention de la part des nouvelles cibles, par la proximité des membres d’un même réseau.

 

« La communication » : le format, la structure de contenu et le style des annonces d’emploi ont peu évolué depuis la presse papier. Elles restent globalement impersonnelles et stéréotypées, ce qui n’aide pas à la différenciation souhaitée pour attirer l’attention et l’intérêt des profils cibles. La diversification des canaux et les technologies disponibles sont propices aux renouvellement des contenus et des formats : la page ou le site Carrières des entreprises sont moins contraints que le support presse ou le site d’emploi, les médias sociaux, les vidéos, les infographies, etc.

 

L’application de la segmentation marketing et du mix renforce le ciblage des annonces et peut contribuer à recueillir des candidatures mieux qualifiées.

Mais face aux caractéristiques du marché du travail décrites (massification, pénurie, individualisation), l’annonce ne peut plus être pensée de façon isolée, publiée ponctuellement, centrée sur un besoin, être à elle seule sélective…

 

La marque à la rescousse de l’annonce

Dans le brouhaha médiatique et la complexité de l’emploi, l’offre d’emploi a besoin d’être portée par un support plus large et plus durable, qui va l’aider à rallier les bons profils, se différencier, filtrer…

La marque commerciale de l’entreprise peut y contribuer. Ce n’est pas toujours le cas. L’Oréal ou Coca-Cola peinent à recruter respectivement des profils en logistique ou en production, alors que ces sociétés reçoivent des milliers de CV pour des postes en marketing.

Les entreprises ont besoin de communiquer spécifiquement sur leurs propositions d’emploi, de travail et de carrière, sur leur identité en tant qu’employeur.

La « marque employeur » fait partie des bons concepts qui s’usent sous l’effet du buzz ou de « l’évangélisation », bien qu’elles apportent de bonnes réponses aux problématiques RH internes et externes actuelles, paroles de RH…

Appliquée à la PME locale ou à la grande entreprise internationale, une stratégie de marque employeur peut contribuer à renforcer le ciblage, et en corollaire la sélectivité d’une annonce d’emploi :

  • engager les profils actifs et passifs à mieux connaître l’entreprise, en complément de l’annonce, et notamment les caractéristiques de sa culture, de son management, de son fonctionnement quotidien…
  • compléter les informations de l’annonce sur les besoins et les attentes de l’entreprise,
  • être mieux repérée par les profils éloignés de l’entreprise par une prise de parole plus large que l’emploi,
  • animer des communautés d’attention et de confiance composées de candidats potentiels, de prescripteurs, de relayeurs…
  • etc.

Si, à produit égal, la marque commerciale utilise la communication, les services et la RSE pour émerger, se différencier des concurrents et tisser une relation avec le client, la marque employeur se fonde sur la réalité sociale de chaque entreprise, par nature singulière, spécifique, attractive pour certains, répulsive pour d’autres.

 

Les services marketing seront bien évidemment attentifs à ce que la marque employeur soit cohérente avec la marque commerciale, et mieux encore qu’elle la renforce. Il ne faut toutefois pas perdre de vue les objectifs RH qu’elle poursuit dans la bataille pour recruter et fidéliser les collaborateurs, qui feront la différence.

 

Un des participants RH à la conférence a répondu : « sélectionner, c’est mon job« . L’annonce d’emploi n’est pas un outil d’évaluation et de choix, donc de sélection au sens RH du terme.

Et elle n’a pas vocation à se substituer au recruteur. Mais l’efficacité d’une offre d’emploi est directement liée à l’adéquation des candidatures appelées et recueillies avec les caractéristiques recherchées.

Les techniques du marketing appliquées au recrutement peuvent aider à poser un premier filtre. Il peut être renforcé par une démarche plus complète de marque et de marketing RH.

Le filtre peut toujours être ignoré à ce stade par les candidats. Ce qui peut aussi conduire à des rencontres improbables et heureuses.. qui peuvent remettre en question une étape clé du recrutement dont on ne parle pas assez : la définition des besoins en compétences. Un mixte de retour d’expérience, de veille et de créativité de la part des managers et du service RH, en période de pénuries de « talents »…

Et vous qu’en pensez-vous ?