Le semaine dernière s’est tenue à Paris une conférence européenne de grande qualité relative à l’entreprise 2.0, Enterprise 2.0 Summit Paris, sous la houllette de Lecko et de Nextmodernity, deux sociétés de conseil sur les usages et les outils collaboratifs en entreprise.
En synthèse, pour ceux qui n’en aurait pas encore entendu parler, une entreprise 2.0 ou collaborative intègre les usages participatifs des médias sociaux.
Nous avons particulièrement apprécié lors des partages d’expérience concrets comme Danone, BASF ou Alcatel et les interventions d’experts plutôt IT que les objectifs Business soient clairement exprimés : fluidifier les collaborations pour mieux répondre à la complexité des environnements, à la réactivité, aux enjeux d’innovation.
La conférence a laissé une large place au « comment faire ».
Rien de très nouveau à priori sous le soleil du 2.0 par rapport à d’autres projets de changements à conduire en entreprise :
- Un objectif clairement défini (accroître le CA, améliorer la productivité, la qualité, stimuler l’innovation produit).
- Un ou des leaders et sponsors puissants du projet pour garder le cap,
- Des alliés un peu partout dans l’organisation,
- Le choix entre un projet pilote ou un déploiement général,
- Une montée progressive en maturité nécessitant un travail dans la durée, des seuils d’adoption à franchir soutenus par des actions spécifiques à chaque stade, une relance continue de la dynamique d’adoption…
- L’arbitrage global ou local pour les entreprises internationales….
4 éléments ont particulièrement retenus mon attention :
- Les difficultés à identifier la création de valeur, les livrables, pour vendre le projet au départ et justifier de sa poursuite…
- Une logique plus pregnante d’expérimentation d’une innovation organisationnelle qui concerne toute l’entreprise (immédiatement ou à terme), la déstructure profondément par rapport aux modes de fonctionnement très maitrisés mis en place depuis plus de 20 ans (processus, procédures, indicateurs, reporting…)
- La transformation de conversations et de données démultipliées en informations utiles : signal versus bruit,
et
- La nécessité de lever les barrières de la participation des salariés.
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Participation des salariés, engagement et satisfaction
L’engagement des salariés et leur satisfaction a toujours été un élément clé de la réussite des objectifs Business, le Comment, un complément indispensable à la pertinence des choix stratégiques (le Quoi).
Plus que l’adhésion à un projet, plus qu’un élément clé, ici la participation des salariés (active) est la condition incontournable de la mise en place et de son potentiel de production des livrables ciblés.
Et ce dans un schéma beaucoup plus structuré qu’on a l’habitude de le dire lorsqu’on parle de l’entreprise collaborative puisqu’il s’agit d’organiser, orienter, manager cette participation des salariés.
La politique RH de l’entreprise n’a pas été au centre des échanges à l’exception de l’atelier animé par Anthony Poncier où l’immobilisme ou l’incapacité structurelle de la fonction RH ont été débattus mais elle a été bien présente en filigrane lors des deux jours de conférences et d’ateliers.
Comme dans tout projet stratégique, une déclinaison dans tous les domaines d’actions de l’entreprise s’impose. Ce qui est rarement fait dans le domaine des RH, les salariés étant encore trop perçus comme une ressource et non des acteurs, des acteurs à manager certes mais des acteurs.
La déclinaison RH d’un projet d’entreprise collaborative peut être perçue comme un exercice encore plus difficile à faire dans un contexte où les croyances de livrables et de moyens dominent les certitudes habituellement démontrées et chiffrées.
Les entreprises présentes ou les experts n’ont pas évoqué les causes structurelles à une participation des salariés plus grande. Ceux-ci relèvent essentiellement de l’incertitude qui prévaut aujourd’hui dans la relation Employeur-Salarié, de l’écart qui s’est creusé entre les attentes et les objectifs des deux parties. Les salariés ont revu ces dernières années le niveau de leur engagement dans l’entreprise par contrainte ou par choix.
Le manque de confiance est bien la barrière principale à tous les niveaux de responsabilités dans l’organisation.
Regagner cette confiance dans un nouveau contrat dont les termes demandent à être explicités est la condition d’une participation des salariés, même dans le cadre d’un contrat qui tout CDI qu’il peut être est aujourd’hui à durée déterminée.
La fonction RH dispose sans aucun doute dans son éventail d’actions des leviers pour reformuler et faire vivre les nouveaux termes du contrat.
Elle ne peut cependant y parvenir que si les directions d’entreprise, dont elles font partie, ne développent un véritable projet humain pour l’entreprise.
Un projet humain au service des objectifs stratégiques, authentique dans les engagements pris vis à vis des salariés intégrant l’incertitude, cohérent entre la proclamation et le vécu quotidien…
Ce projet humain s’appuie nécessairement sur un existant, probablement à dépoussiérer, dont la valeur à la fois business et managériale est à garder mais également sur une adaptation en profondeur d’un certain nombre de leviers de l’éventail RH pour réoxygner les organisations et recréer les conditions de la confiance entre l’entreprise et les salariés, et donc les conditions de leur participation effective.
Une profondeur de vision et d’action qui ne relève pas que du contenu mais aussi du temps, d’une forme de constance presque paradoxale en période de recherche d’agilité. La profondeur n’est pas l’immobilisme, la solidité n’est pas l’immobilisme.
Une constance qui favorise la constitution des nouveaux socles utiles demain, aux directions et aux anciens comme aux nouveaux salariés, pour soutenir une dynamique d’innovations, à la fois continue et en rupture, et créer les conditions d’un engagement aux attendus et aux livrables explicites pour les deux parties.
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