Les propositions d’innovation en matière de recrutement se poursuivent à un rythme soutenu. Opportunités sur un marché lucratif du recrutement ? Ou réponses à des besoins non satisfaits ou nouveaux ?
Nous avions consacré en 2011 une série d’articles pour répondre à la question : Le Recrutement se transforme-t-il et pour quelles contributions ? Nous avions alors passé en revue les étapes amont du processus de recrutement à la lumière des améliorations ou des nouveautés de l’époque : l’offre d’emploi, le sourcing des candidats, la sélection des candidats, l’acte de candidature.
Nous avons fait un second point fin 2012 sur le recrutement via les réseaux sociaux, compte tenu du faible taux d’adoption relevé par toutes les études : Recrutement, Réseaux sociaux et Résistance aux changements ?
Ce début d’année 2013 est marqué par un déplacement de l’attention sur le potentiel des dispositifs mobiles pour le recrutement ou l’exploitation des données produites par les internautes, et donc les candidats et les recruteurs.
Nous constatons que les candidats comme les entreprises ne savent plus à quelles innovations se vouer pour trouver des solutions à leurs besoins concrets de travail et de recrutement.
Les difficultés relèvent en premier lieu de l’économie et de l’état du marché du travail. Le rythme des innovations, leur marketing bruyant, les analyses enthousiastes ou sceptiques brouillent la compréhension, l’appréciation de la valeur ajoutée potentielle, l’appropriation, les apprentissages à réaliser…
Nous avons choisi de repartir des besoins et plus particulièrement d’un besoin critique et commun aux recruteurs et aux candidats : identifier des offres d’emploi, identifier des candidats.
Est-il plus facile aujourd’hui d’identifier un candidat ou un emploi ?
Les meilleurs profils et les meilleurs emplois ! Les profils qui s’engageront et les emplois qui se concrétiseront !
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Des outils aujourd’hui partagés
Grâce à Internet, les candidats et les recruteurs partagent de nombreux outils pour identifier leurs cibles respectives :
– Les moteurs de recherche (comme Google) sont à disposition de tous. La recherche reste la première activité des internautes.
Les bonnes astuces pour les utiliser au mieux sont partagées un peu partout, livres, blogs… Les formules booléennes restées un temps aux mains d’experts sont aujourd’hui partagées et vulgarisées.
En matière de recrutement, Google a été longtemps plus performant que les moteurs de recherche des sites pour identifier des candidats et des offres d’emploi.
La recherche par mot-cléa été reprise par les plateformes sociales, comme à l’origine sur les sites d’emploi. Aujourd’hui, des sites comme LinkedIn poursuivent leurs efforts pour offrir aux recruteurs et aux candidats des résultats de recherche plus pertinents, sur la base de critères élargis, peut-être demain la sémantique…
De nouveaux sites d’emploi proposent des critères de sélection des annonces et des CV davantage centrés sur le projet professionnel, les missions, les compétences, les valeurs (Qapa, Vadequa) … Mais les critères traditionnels du poste, du lieu ou du secteur d’activité sont encore très ancrés dans les habitudes des recruteurs et des candidats.
Le moteur de recherche est un premier filtre et un filtre encore imparfait. Les recruteurs et les candidats ont des difficultés à identifier les mots-clés qu’ils utilisent respectivement et qui faciliteraient leur rencontre.
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– Les identités enrichies : Le CV portfolio, le profil individuel ou la page Entreprise sur un réseau social, le site Carrière redynamisé (Classement des sites carrières par Potential Park en 2013) …
En centralisant plus d’informations sur un espace Web unique, ils visent à délivrer une information plus fine, renforcer la visibilité et l’attractivité des personnes et des entreprises et favoriser ainsi la mise en relation qualifiée. En ce sens, ils répondent mieux que l’annonce ou le CV classique aux besoins d’information, d’échange, et d’évaluation.
La multiplication des médias et des supports pour porter ces identités numériques rend cependant difficile leur exploitation optimale par les recruteurs et les candidats.
La question du choix des outils les mieux adaptés à ses objectifs et à son environnement professionnel se pose. Comme celle de leur pérennité. Le rythme des innovations est dense, les temps d’apprentissages se cumulent, l’adoption par les partis prenantes et leur durée de vie de ces outils sont imprévisibles.
Par ailleurs, si disposer d’une identité numérique favorise la visibilité, il faut aussi l’animer, la promouvoir et trouver des relais de promotion. Et c’est probablement dans le développement de ces actions, que les chances d’identifier et d’identifier de manière qualifiée augmentent. C’est vrai pour le recruteur et le candidat.
En revanche, le recruteur et le candidat ne semblent pas être à armes égales en matière de marketing de soi. Les entreprises disposent, en théorie mais aussi dans la pratique, de plus de moyens et de compétences que les personnes individuellement dans ce domaine. La marque entreprise a quelques longueurs d’avance sur la marque individuelle. Mieux identifiée, elle est aussi davantage exposée.
La grande idée souvent exprimée pour rééquilibrer ce fait est relative au réseau.
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– Le réseau : le réseau relationnel a toujours été un outil d’information. Et d’informations de qualité, utiles, en raison de la relation de proximité et de la confiance qui se développent entre ses membres. Les réseaux sociaux multiplient les possibilités de recueillir des informations qualifiées.
Ils peuvent aussi la neutraliser.
A vouloir se connecter à un maximum de personnes et augmenter les compteurs, les candidats passent à côté de la construction de cette relation de proximité et de confiance qui fait la différence en matière de qualité et d’utilité des informations recueillies.
Les recruteurs peuvent être davantage visible et valorisé au sein d’un réseau parce qu’ils détiennent l’offre d’emploi.
Avec les médias sociaux, ils sont néanmoins davantage observés, évalués, comparés, commentés… Les pratiques d’approche des candidats se modifient. Il faut davantage attirer, et attirer plus qualitativement. Si l’offre d’emploi est naturellement attractive pour un candidat en recherche active, le recruteur doit l’être aussi. Pour les professionnels en poste, il faut plus qu’une annonce aujourd’hui pour attirer d’abord l’attention, puis une éventuelle candidature. Face aux difficultés de recrutement rencontrées et à une compétition croissante entre les entreprises, la présence du recruteur au sein d’un réseau dépasse l’action de recrutement. Les recruteurs sont attendus sur d’autres contributions, et notamment la constitution d’un base de données élargie de candidats potentiels, sur l’animation de cette communauté (community management), sur la promotion de l’image globale de l’entreprise, de ses activités, de ses produits…
Comme tous les internautes sur les réseaux sociaux, les candidats et les recruteurs sont face à une masse d’informations et de contacts potentiels à la fois attractive et difficile à exploiter. Un brin frustrant, peut-être, surtout au départ. Une fois les premiers apprentissages réalisés, en mode timidité ou boulimie, un équilibre est recherché.
Le candidat et le recruteur sont théoriquement à armes égales sur les réseaux sociaux pour identifier leurs cibles. La qualité de l’information est directe proportionnelle à la qualité du réseau et des interactions pour chacun d’eux.
Un seul bémol à cet équilibre apparent : les candidats sont plus nombreux que les recruteurs, en dépit du marché caché de l’emploi (environ 60%) qui fait de chaque personne un recruteur potentiel.
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– L’annonce : elle était autrefois réservée aux entreprises sur des espaces bien définis (presse, sites d’emplois) et formatée selon leurs normes. Aujourd’hui, les candidats peuvent également publier une « annonce de candidat » grâce aux différents outils et médias sociaux, la vidéo connait un franc succès, Twitter a fait l’objet de nombreuses expériences et d’autres supports offline également.
Il s’agit davantage de se faire identifier. Les profils sur les réseaux sociaux, les pages Web individuelles, les blogs… visent pour partie la même finalité que l’annonce.
L’annonce de candidat reste périlleuse, comme la mention « en recherche d’une nouvelle opportunité professionnelle » sur d’autres supports. Même dans les CV, les candidats n’osent plus indiquer qu’ils ne sont plus en poste « Depuis… ». Il est vrai que les à priori sur les qualités professionnelles des chercheurs d’emploi perdurent, les entreprises continuent à privilégier les personnes en poste.
L’annonce d’emploi est également périlleuse pour le candidat, car elle est plus sélective. Elle peut dans certains l’être aussi pour le recruteur, en lien avec les profils recherchés.
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Les innovations technologiques et leur accès facile offrent aujourd’hui plus qu’hier aux candidats des outils équivalents à ceux des recruteurs pour identifier plus facilement un emploi ou une information utile à leur recherche d’emploi. Mais la situation déficitaire de l’emploi ne permet pas aux candidats de profiter pleinement de ces leviers.
Du coté des recruteurs, le décalage qualitatif entre l’offre et la demande d’emploi et la bataille des talents devraient davantage les engager à utiliser de nouveaux canaux et de nouvelles approches, comme celle plus qualitative et moins normée proposée sur les réseaux sociaux, et à élargir davantage les critères de recrutement, tout en sécurisant la réussite dans le poste par des actions de développement et d’adaptation au sein de l’entreprise.
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