Cet article relatif à la propriété des comptes et contenus Twitter et Facebook a été rédigé par Audrey Gauvin du Cabinet Duflos et Cartigny.

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Propriété du compte Twitter ou Facebook ?

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Twitter

Le compte twitter n’appartient ni au salarié, ni à son employeur, puisqu’il est la propriété de Twitter

Article 7 des conditions générales d’utilisation du service : « tout droit, titre et intérêt dans les services (à l’exclusion des contenus communiqués par les utilisateurs) sont et restent la propriété exclusive de Twitter »).

Si le compte a été crée par l’entreprise et mis à la disposition du salarié et qu’il porte le nom de l’entreprise, outre celui du salarié, tel que : @monsieurdupont-entreprisetA.fr,

=> l’entreprise pourra interdire, au salarié qui la quitte, toute utilisation de la marque ou d’éléments d’identification de la société.

Cela n’est pas lié à la notion de propriété du compte mais aux limites du droit d’utilisation de patronyme, dénomination ou marque.

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Facebook

Les conditions générales d’utilisation de Facebook comportent les précisions suivantes : « Les utilisateurs de Facebook donnent leur vrai nom et de vraies informations les concernant » et s’engagent à ne créer « qu’un seul compte personnel ».

Toutefois, le transfert d’un compte est soumis à une « autorisation écrite » de la part de Facebook.

Par ailleurs, Facebook se réserve le droit de fermer un compte si le compte d’un utilisateur ne porte pas son nom réel mais le nom d’une marque par exemple.

Le compte Facebook semble donc appartenir à la personne qui porte son nom, sous le contrôle de Facebook.

En outre, les pages Facebook classiques ne peuvent pas être utilisées comme support  pour des campagnes de publicité. Pour cela les entreprises doivent utiliser des Facebook Apps.

 

Propriété du fil twitter ou de la liste des amis sur Facebook

 

Peuvent-ils être considérés comme une base de données clients/prospects protégée par les articles L.341-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle ? Rien n’est moins sûr.

A la différence d’un fichier clients qui a une nature confidentielle, tout le monde peut prendre connaissance d’un fil twitter, autrement dit tout le monde peut savoir  quelles sont les personnes qui suivent tel ou tel compte en particulier. Il en est de même des amis sur Facebook sauf si des paramètres de confidentialité spécifiques ont été activés.

Ces listes d’amis ou de followers s’apparentent davantage à des cartes de visite que conserve un salarié lorsqu’il quitte l’entreprise. Peut-on le lui interdire ? Assurément non. Est-ce à dire, pour autant que la société de départ, n’a aucun moyen de contrer une utilisation nuisible à ses intérêts des contacts ainsi acquis par le salarié démissionnaire ? Non bien sur.

Tout dépendra de l’utilisation qui sera faite par le salarié quittant l’entreprise du  fil twitter ou des amis Facebook, comme cela était le cas des cartes de visite amassées au fil de ses années de collaboration… Leur usage pourrait être sanctionné s’il correspond à un acte de concurrence déloyale comme par exemple le fait de débaucher  des personnes  pour  les inviter à travailler chez un concurrent, ou encore le fait de créer une confusion entre la marque de son précédent employeur et le nouveau pour réaliser un « détournement de clientèle ».

 

La propriété du contenu du Tweet ou des informations et contenu sur Facebook

 

Selon les conditions générales d’utilisation du service Twitter, le tweet  appartient à l’utilisateur du compte à partir duquel il a été posté.

De même, il ressort des conditions générales d’utilisation de Facebook que « le contenu et les informations que vous publiez sur Facebook vous appartiennent ».

La jurisprudence intervenue à propos de la liberté d’expression des salariés et de leur droit au respect de la vie privée, est-elle compatible avec la norme édictée par ces conditions générales d’utilisation de Twitter et Facebook ?

Depuis l’arrêt fondateur « Nikon » de2001, la Chambre sociale de la Cour de Cassation admet que :

« le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée ; que celle-ci implique en particulier le secret des correspondances ; que l’employeur ne peut dès lors sans violation de cette liberté fondamentale prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail et ceci même au cas où l’employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l’ordinateur » (Cass. Soc. 2 octobre 2001, n° 99-42.942)

Ainsi, le fait qu’un tweet ou message ait été émis par le salarié sur son lieu de travail et pendant ses horaires de travail ne sont pas des critères  suffisants pour considérer qu’ils relèveraient automatiquement de la vie professionnelle du salarié.

Mais pourrait-on en dire autant si le tweet ou le message avait été émis par le salarié à partir d’un compte Facebook ou Twitter crée par son entreprise ?

La jurisprudence intervenue suite à l’arrêt Nikon nous enseigne que les dossiers, fichiers, courriers et emails sont présumés avoir un caractère professionnel, sauf à ce que leur auteur les ait expressément identifiés comme étant personnels (Cass. Soc. 17 mai 2005 Cathnet Science, n° 03-40.017 ; Cass. Chambre Mixte 18 mai 2007, n° 05-40.803; Cass. Soc. 23 mai 2007 n° 05-17.818).

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S’il est possible d’identifier un email posté à partir de Facebook comme étant personnel, peut-on identifier un tweet comme étant personnel ?

La nature des informations échangées et la formulation familière pourraient être des indices d’un tweet relevant de la sphère personnelle, comme l’avait jugé autrefois la Cour d’appel de Toulouse qui avait considéré, dans un arrêt en date du 6 février 2003, qu’un message classé dans un dossier intitulé « perso » et dont l’objet faisait référence aux vacances dans une formulation familière avait nécessairement un caractère privé et confidentiel (CA Toulouse, ch. Sociale, 6 février 2003, n° 02/02519, SA Setec Organisation c/ Van Glabeke et a. : RJS 2003, n° 1254).

Cela étant, difficile de considérer qu’un tweet aurait un caractère confidentiel dès lors qu’il est précisément destiné à être lu à grande échelle !

Il en est de même des contenus publiés sur un mur Facebook, au sujet duquel la jurisprudence a plutôt tendance à considérer qu’il s’agit d’un espace public :

La Cour d’appel de Besançon a estimé que Facebook « doit nécessairement être considéré, au regard de sa finalité et de son organisation comme un espace public » et qu’il appartient au salarié de s’assurer « préalablement auprès de son interlocuteur qu’il a limité l’accès » avant de poster un message sur le « mur » du correspondant (Cour d’appel de Besançon, 15 novembre 2011, RG n°10/02642).

La Cour d’appel de Reims avait eu la même analyse et avait estimé qu’à défaut pour les salariés d’utiliser la boîte email individuelle, ceux-ci ne pourraient pas invoquer une « violation de la correspondance privée » (Cour d’appel de Reims, 9 juin 2010, RG n°09/03205).

La Cour d’appel de Rouen est plus nuancée puisqu’elle considère qu’il « ne peut être affirmé de manière absolue que la jurisprudence actuelle nie à Facebook le caractère d’un espace privé » et ajoute que Facebook peut constituer « soit un espace privé  soit un espace public, en fonction des paramétrages effectués par son utilisateur » (Cour d’appel de Rouen 15 novembre 2011, n°11/01830).

Rappelons que dans l’affaire « Alten » tranchée par le Conseil de Prud’hommes de Boulogne Billancourt  (par deux décisions du 19 novembre 2010), et portée en appel devant la Cour d’appel de Versailles (le 22 février 2012), la page Facebook avait été considérée comme un espace public car non seulement les amis pouvaient y accéder mais aussi « les amis des amis ».

Par conséquent, hors message/contenu/email clairement identifié comme étant personnel ou posté sur un mur accessible qu’à un cercle extrêmement restreint, il paraît plus juste de considérer que ce qui est posté par un salarié, à partir d’un compte crée par l’entreprise, est présumé avoir un caractère professionnel.

Cette qualification permettrait à l’employeur d’en prendre connaissance sans procédure particulière et éventuellement de sanctionner le salarié en se fondant sur ses publications.

En effet, ainsi que cela a été jugé à propos des SMS et messages vocaux laissés sur un répondeur téléphonique, l’auteur du SMS ou message « ne peut ignorer qu’il est enregistré par l’appareil » (Cass. Soc. 23 mai 200706-43209; Cass. soc., 6 février 2013, n° 11-23.738).

 

 

 

 

 

 

 

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Recommandations :

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1- En pratique, d’une façon générale, pour Twitter et Facebook, nous recommandons de créer deux comptes : l’un personnel, l’autre professionnel (en prenant soin, pour Facebook, d’utiliser les pages Apps dédiées aux professionnels).

Le salarié devrait s’efforcer de ne poster que des tweets/emails/vidéos/photos professionnels … à partir de son compte professionnel.

De même, lorsque le salarié utilisera son compte personnel, il devrait s’abstenir de faire une quelconque référence à la société (ou marque/produit distribué) qui l’emploie.

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2- Prendre connaissance de la Charte d’utilisation des réseaux sociaux, s’il en existe une.

NB : La Charte devra avoir été établie en conformité avec les conditions d’utilisations de Facebook et Twitter.

La Charte peut :

a) Définir les conditions d’utilisation des comptes personnel et professionnel sur les réseaux sociaux.

– Concernant le compte professionnel :

  • Les paramétrages à conserver sur les comptes professionnels  quant à la visibilité des contenus,
  • Les droits de l’entreprise sur le compte professionnel en cas de départ ou d’absence du salarié (ex : restitution automatique des codes d’accès au compte…),


– Concernant le compte personnel :

Rappelons que la CNIL recommande aux employeurs de laisser aux salariés un droit d’usage raisonnable d’internet à des fins personnelles sur leur lieu de travail.  Une interdiction totale de se connecter à son compte personnel risquerait d’être censurée.

Il pourrait, en revanche, être interdit au salarié d’utiliser, sur son compte personnel, la marque ou la dénomination sociale ou tout élément permettant d’identifier l’entreprise.

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b) Fixer les conditions d’utilisation des mots de passe et d’accès aux réseaux : temps d’accès aux réseaux dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, conduite à tenir en cas d’accès à partir d’un réseau wifi non sécurisé (ex : à partir d’une chambre d’hôtel).

c) Rappeler les limites à la liberté d’expression du salarié, afin d’anticiper tout dérapage : interdiction des propos injurieux, diffamatoires ou portant atteinte à la crédibilité et au sérieux de l’entreprise (du fait du devoir de loyauté) ;

d) Déterminer les types et niveaux d’informations susceptibles d’être partagés (du fait du secret professionnel, du devoir de réserve, de l’obligation de confidentialité) ;

e) Rappeler l’interdiction de télécharger ou de poster des contenus illicites (loi HADOPI..)

f) L’obligation de respecter la loi informatique et libertés en cas de recueil de données à caractère personnel.