Il y a quelques jours a eu lieu le premier TruParis consacré au recrutement via les médias sociaux à l’initiative de Laurent Brouat et Jean-Christophe Anna de Link Humans en présence de Bill Borman, fondateur des évènements #Tru en partenariat avec le Groupe Adecco France, Monster et Talentsoft.
Les organisateurs m’ont fait l’honneur de me confier l’animation très informelle (#Tru oblige) de l’atelier portant sur l’Expérience Candidat.
Pour lancer le débat, j’avançais 2 questions :
- Pourquoi parle-t-on autant aujourd’hui de l’Expérience Candidat ?
- Comment peut-on améliorer l’Expérience Candidat (qui sera par nature déceptive pour 9 personnes sur 10) ?
Le consensus a été rapide sur l’attention respectueuse à apporter aux candidats, sur les difficultés des entreprises à recruter (guerre des talents), sur l’influence du web social qui rééquilibre les rapports entre candidats et recruteurs, sur l’impact de cette expérience pour emporter l’engagement final du candidat ou pour consolider ou développer l’attractivité d’une entreprise en qualité d’employeur, enfin sur le premier acte de management que cette expérience peut constituer…
Le « comment » a fait émerger un éventail de nuances à apporter compte tenu des objectifs de recrutement et des contextes : volume de recrutements de l’entreprise, nature des professionnels recherchés, compétences rares versus compétences plus répandues, coordination des pratiques des différents acteurs du processus au sein de l’entreprise… Mais également les apports réels des réseaux sociaux qui certes revalorisent la dimension relationnelle mais en utilisant tout autant que les sites d’emploi les outils de sélection par mots clés ou critères et sur une base d’informations plus large sur le profil…
Réseaux sociaux ou pas et hors chasse de profils rares ou high level, les entreprises sont confrontées à des difficultés opérationnelles pour mettre en oeuvre une personnalisation de la relation aux différentes étapes du recrutement, une personnalisation attendue par les candidats.
Ayant personnellement constaté qu’environ 20% seulement des candidatures reçues suite à la communication d’une offre d’emploi correspondaient aux attributs recherchés, je tentais un autre angle : « Les candidats ne participent-ils pas eux-mêmes à dégrader l’Expérience de recrutement en ne ciblant pas davantage leur candidature ? ».
Le constat a été partagé.
- Le problème structurel et conjoncturel du marché de l’emploi génère dans tous les cas un volume important de candidatures, les candidats tentent leur chance dans l’objectif d’un entretien ou d’une visibilité pour une autre opportunité potentielle, s’enfermant parfois dans l’illusion d’une recherche active mais non ciblée, donc pas efficace (à lire sur le sujet : la recherche d’emploi n’est pas une parenthèse professionnelle).
- En recherchant et en communiquant souvent sur un profil équivalent à un mouton à cinq pattes, les recruteurs ouvrent la voie à un large spectre des candidatures. De nombreux profils se projettent sur une partie des attributs décrits, tentent leur chance en misant sur la difficulté qu’aura l’entreprise à trouver dans une seule candidature tous les critères réunis.
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Une heure bien évidemment trop courte pour aborder de vraies pistes d’amélioration de l’Expérience Candidat, même si celle-ci avait été très présente le matin dans l’atelier relatif à la Marque Employeur animé par Vincent Rostaing.
Comme l’écrivait sur Twitter Franck Lapinta, Responsable Marketing RH de la Société Générale : « Finalement pas simple de définir précisément l’expérience candidat #TruParis ».
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L’innovation proposée par les plateformes de réseaux sociaux s’inscrit encore trop dans les finalités, les repères et les processus de recrutement et de candidature du passé. Elle est à projeter dans un nouveau modèle de création de valeur qui s’inscrit lui-même dans des contextes économiques et sociaux profondément renouvelés.
Merci Arnaud pour ce partage d’expérience de candidat, de chef d’entreprise qui recrute et de spécialiste de la communication.
La question était volontairement provocatrice dans le cadre très informel du TruParis, même si comme tu le relèves très bien, elle a aussi du sens compte tenu des maladresses, du manque d’attention ou du désarroi des candidats à un emploi.
Je crois profondément et depuis longtemps… que les processus de recrutement et de candidature doivent être profondément revus pour répondre au double enjeu de la massification et de la personnalisation.
Je prépare un article dans ce sens pour les prochaines semaines.
Merci encore pour ton attention 🙂
Super article Marie Pierre, je n’étais malheureusement pas à cet atelier jeudi (J’etais à celui des recherches Bolléennes) et j’aurai bien aimé echanger avec vous.
J’aimerai donc apporter mes observations.
Du côté candidat. J’ai été plusieurs fois en recherche d’emploi, à des moments différents de ma carrière et pour des métiers très diverses.
Avant l’arrivé d’Internet, il y avait 2 possibilités lorsque l’on postulait :
On postule pour un poste équivalent au sien, qui requiert le même degré de compétences et d’années d’expérience. C’est le « poste porté »
On postule pour un poste où notre expérience et nos compétences vont pouvoir nous servir à le remplir. C’est souvent le cas quand on veut évoluer vers des postes de management par exemple. C’est le « Poste projeté ».
Sur ce dernier, on ne peut pas blâmer un candidat de vouloir se projeter, d’aspirer à de nouveaux défis et donc de vouloir évoluer. Et c’est souvent (malheureusement?) plus facile pour évoluer de le faire ne changeant d’entreprise.
Depuis que le web est arrivé, on peut facilement dire, qu’il y a une troisième possibilité : L’envoi de candidatures en masse.
Durant près de 5 ans en jobboards il m’ a été facile d’observer le comportement des candidats :
Envoi non ciblé, envoi de 3 candidatures pour la même annonce, envoi d’une candidature pour un autre poste…
Je n’aime pas la victimisation des candidats, l’acte de postuler doit être un engagement, et malheureusement le web a permis de passer de cet acte d’engagement qualitatif à un acte quantitatif, de masse décoréler de toute motivation.
Les candidats ne lisent plus en détails les offres, et répondent un peu n’importe comment.
Un peu de responsabilisation des candidats ne serai pas de trop.
Du côté de l’entreprise. Je dirige une TPE et j’ai travaillé dans des PME. Un recrutement pour les entreprises de cette catégorie est déterminent pour la vie de l’entreprise.
Si j’ai le choix de choisir entre des candidats « Poste porté » et « Poste projeté », il est certain que je vais choisir sur la personne qui pourra le plus vite possible être efficiente, le « poste porté ».
Alors oui c’est vrai qu’on cherche toujours le mouton à 5 pattes, la perle idéale et je n’aime pas la diabolisation des recruteurs et des entreprises sur ce point la. Je ne pense pas que ce soit culturel, je pense que c’est humain.
Il n y a que lorsque le marché ne présente pas les ressources que l’entreprise va s’ouvrir aux « postes projetés », ou même va les produire au travers de la formation.
Ensuite, c’est le respect qui doit être au centre de toute relation humaine. Si je prend les réponses aux candidats, en ce qui nous concerne, nous essayons tant bien que mal de répondre aux candidats, dans la mesure où la candidature est cohérente vis à vis de la demande. C’est du respect et c’est je pense un minimum. Il ne faut pas oublier que le candidat d’hier, est peut être le salarié de demain ou pire un de vos futurs clients, il vaut mieux qu’il ait gardé le meilleur souvenir de votre relation.
Par contre si ce n’est pas le cas, je ne vois pas pourquoi je perdrai du temps pour quelqu’un qui ne la pas prit lui pour lire notre annonce.
C’est la même chose lorsque l’on rencontre les candidats, comment attendre du respect si vous recevez le candidat avec du retard, et sans vous excuser! Ne faîtes pas aux autres ce que vous ne voulez pas qu’on vous fasse.
Aux vues de ces différents points je dirai que, oui, le candidat participe à la dégradation de l’Expèrience de recrutement, mais ce n’est pas une raison pour que l’entreprise oublie ses responsabilités.
Bien cordialement,
Arnaud.
Merci à vous pour ce partage de bonne pratique et d’expérience concret.
On pourrait, je pense, relier le processus de recrutement avec les pratiques RH de l’entreprise et par là même sa culture, donc son identité en tant qu’Employeur… le tout devant être cohérent, ça devait l’être !
Bonjour Steve,
Je te rejoins (plusieurs articles ont abordé ce sujet), la clé d’un changement de modèle de recrutement passe par la première étape : la définition du besoin en recrutement ! donc le dispositif de management des compétences et trajectoires et le management organisationnel.
Merci beaucoup d’avoir partagé ton analyse de recruteur. A bientôt 🙂
Bonjour et merci pour votre commentaire très pertinent.
Nous avons abordé dans d’autres billets le sujet du clonage, ce qu’il induit pour les deux parties et comment on pourrait l’éviter. C’est pourquoi je n’en ai pas parlé ici. Votre complément est très juste.
Par rapport au fait de devoir « coller » aux annonces et d’une recherche mieux ciblée, cela ne signifie pas pour nous « rechercher un poste identique dans le même secteur ». Plus souvent qu’on ne le croit les compétences sont transposables, les candidats doivent davantage se présenter (y compris dans le CV) et argumenter solidement sur leurs compétences. Il faut également que les recruteurs progressent dans cette démarche d’évaluation des savoir-faire/être transposables. Tout démarre lors de la définition du besoin en recrutement. voir le billet sur le recrutement/ conseil en recrutement qui a perdu depuis longtemps le mot conseil.
L’informatisation du recrutement a effectivement démocratisé l’accès pour les candidats et les recruteurs, le e-recrutement est aussi allé trop loin dans ce que j’appelle la critérisation (pour les annonce, pour les CV, etc.), les réseaux sociaux opportunément peuvent rééquilibrer la chose sauf si les mêmes outils sont utilisés.
Le temps, l’énergie que vous soulignez s’appelle aussi pour l’entreprise : le modèle économique, la création de valeur n’est peut-être pas là où on l’attend.
Merci à vous pour cet échange de qualité 🙂
Bonjour,
Très intéressant, merci, et sujet qui me fait réfléchir.
En tant que candidate, je vois également une autre raison pour laquelle on peut postuler sans avoir 100% des critères d’une annonce: la mobilité fonctionnelle ou sectorielle. Aujourd’hui certains secteurs/fonctions sont atones et il est logique de se tourner vers autre chose que ce que l’on a pratiqué. Hors 99% des annonces que je vois exigent une expérience dans le secteur de l’entreprise ou dans la même fonction. Donc finalement, on passe outre.
Le fait que l’on suppose que les candidatures doivent absolument « coller » aux annonces pour être efficaces (vs « recherche active ») est bien le signe d’un problème. Une recherche « ciblée » ne signifie donc qu’une recherche qui correspond à ce qu’on a déjà fait ?
Cesser de rechercher le mouton à 5 pattes est déjà un progrès, mais l’avancée sera réelle quand les recruteurs cesseront également de chercher des clones.
Par ailleurs, j’ai aussi une solution pour les entreprises qui ne peuvent répondre de façon personnalisée aux centaines de réponses à une annonce. Arrêter de publier des annonces. Et se tourner vers l’approche directe, les réseaux sociaux..etc. Il y a beaucoup de façon de recruter.
Mais bien sûr, cela demande du temps, de l’énergie, une curiosité… alors que publier une annonce et négliger de répondre aux candidats rejetés est bien plus facile.
Bonjour Marie-Pierre,
Félicitations pour cet excellent billet !
Je partage totalement le contenu : le constat en devient alarmant. Finalement, il est toujours aussi difficile d’imbriquer deux parties (candidats et employeurs) qui pourtant ne demandent que cela. Paradoxe ? Certainement.
Alors, en effet, les tensions actuellement constatées sur le marché de l’emploi accentuent la prudence côté employeur (recherche du mouton à cinq pattes et délais de recrutement qui se rallongent) et la tentation du « je postule partout » côté candidat. Nous sommes bien d’accord que cette double attitude ne fait qu’accroitre le phénomène d’incompréhension et donc d’échecs.
Comme tu l’as souligné, il parait difficile de délimiter une frontière quant aux responsabilités des parties : qui, des candidats ou employeurs dégradent-ils le plus l’Expérience recrutement ? Un peu des deux ? Certainement.
Alors, pour aller un peu plus loin et pour apporter mon modeste témoignage, je dirai a posteriori qu’après tout, les candidats qui postulent tous azimuts ne font que finalement tenter (maladroitement) leur chance face à une situation devenue parfois insupportable pour eux (la recherche de l’emploi idéal se transformant en recherche d’un emploi alimentaire). C’est la règle du jeu que les employeurs et recruteurs doivent accepter. Aussi et corollairement, j’aurai tendance à davantage responsabiliser les entreprises dans leur communication. Comme tu l’as si justement mentionné, une offre d’emploi doit également être relativement bien ciblée afin de ne pas faire l’objet d’un appel à candidature quantitativement insupportable. Sans doute que cela passera par une meilleur détection des besoins internes de l’entreprise, voire par une fin du tout clonage. Mais ceci est un autre débat.
Bien amicalement.
Steve
Bonjour
En lisant le questionnement et l’analyse, j’ai l’impression que la réponse est pourtant là.
A une époque où javais été missionné pour le recrutement et la formation d’une des pôles d’activité du Club Med, nous savions que chaque candidat non retenu devait nous recommander à d’autres pour atteindre notre objectif, à savoir, la mise en place de la nouvelle plateforme pan-européenne du Club Med.
Cette question : Comment être recommandé par un candidat non retenu a été le départ de notre réflexion sur le process de recrutement à mettre en place et sur ses conditions de réussite.
Nous ne sommes pas partie des pratiques de l’époque ou des solutions qui pouvaient améliorer tel item mais bien comment faire qu’un candidat non retenu nous recommande ?
Après cout, l’analyse du sourcing, nous a montré que ce que nous avions mis en place avait bien permis de créer un nouveau flux de candidats particulièrement qualitatifs uniquement par la recommandation sur notre process et non sur l’image employeur, la salaire, ou tout autre « mise en avant » classique lors d’une annonce ou d’une communication Recrutement.
Cordialement,
Jean-Marc