Le marketing RH est un des volets des nouvelles stratégies RH que les entreprises doivent conduire dans un environnement économique et social transformé.

Le livre de Vincent Berthelot et Franck La Pinta centré sur le « Marketing RH » et l’impact du digital le démontre dans chaque chapitre. Le projet humain de l’entreprise en est la matière. L’approche Marketing vise à mieux l’orienter et à mieux le communiquer.

Vincent et Franck ont bien voulu répondre à 7 questions au sujet de quelques basiques du Marketing RH mais aussi sur des sujets moins médiatiques abordés dans leur livre comme les PME ou les syndicats.

Une stratégie Marketing a pour objectif de satisfaire les besoins des clients. Le Marketing RH vise à satisfaire qui et quels besoins ?

Franck La Pinta

Le Marketing RH vise principalement deux populations : les collaborateurs de l’entreprise, auprès de qui il est indispensable de proposer une offre RH attractive, meilleure que la concurrence, et qui contribuera à favoriser l’engagement des collaborateurs. La seconde cible principale est celle des candidats, stagiaires, jeunes diplômés, confirmés, que l’entreprise cherche à séduire et à convaincre, pour tenter de recruter les meilleurs, à tout le moins ceux qui selon elle auront compétences et attitudes les plus à même de répondre à ses enjeux business. Mais cette vision, si elle reste vraie, est, comme nous l’évoquons dans notre livre, une approche trop restrictive car la réputation et les actions d’une entreprise touchent des publics bien plus larges que ces seules deux populations.

Une stratégie Marketing se travaille par rapport à des objectifs et des cibles. La Marque Employeur a-t-elle vocation à être sélective pour contribuer pleinement au processus de recrutement. Si oui, parvient-elle à l’être réellement ?

Franck La Pinta

Le Marque Employeur se doit d’être sélective dans sa démarche de soutien au sourcing. C’est d’ailleurs ce qui différencie le marketing RH tourné vers l’externe du marketing à vocation commerciale. En RH, l’objectif est moins de maximiser les volumes de candidatures, à l’inverse d’une démarche où l’on cherche à séduire un maximum de clients. Il s’agit plutôt de s’assurer de trouver les bons candidats. Ensuite la Marque Employeur est un élément d’information sur l’entreprise, ce qu’elle propose et ce qu’elle cherche. Elle ne peut être universelle dans son modèle, son organisation, ses métiers, son offre RH. Si sont discours est trop ouvert, il n’est plus crédible et il n’intéressera plus les candidats.

Vous évoquez à plusieurs reprises dans votre livre les moyens à mobiliser pour concrétiser et faire vivre une stratégie de Marque Employeur, moyens dont seules les grandes entreprises disposent.
Que recommandez-vous aux PME ? Le regroupement de PME par secteur d’activité ou par territoire vous semble-t-elle être la meilleure solution ?

Vincent Berthelot

C’est passionnant de travailler avec une plus petite structure sur son attractivité et comment elle peut attirer elle aussi les bonnes compétences et les talents. L’engagement est souvent plus sincère, plus profond car nombre de ces structures restent avec une base familiale et un fonctionnement qui privilégie les rapports humains et non bureaucratiques. La méthodologie reste la même mais s’allége pour faire l’audit, diagnostic et fixer le plan d’action mais c’est surtout dans les supports qu’il faut être malin et innovant car les budgets ne sont pas les mêmes. Ces structures doivent s’appuyer sur leur souplesse, la proximité avec leurs salariés et leur circuit court de décision pour développer leur propre marque employeur bien ciblé.

Franck La Pinta

Les approches de Marque Employeur ne sont absolument pas réservées à des grandes entreprises. Construire un contrat social qui concilie attentes individuelles et ambition collective, proposer aux collaborateurs de participer réellement à un projet d’entreprise, enrichir leurs compétences par la formation, favoriser un modèle managérial particulier est aussi une réalité de structures plus petites. D’ailleurs, les PME disposent d’atouts que n’ont pas certaines grandes entreprises pour attirer des candidats et fidéliser les collaborateurs : circuits de décision courts, responsabilisation et autonomie, structure managériale légère,… sont autant d’arguments que plébiscitent les jeunes candidats.

La relation d’emploi teintée de défiance qu’entretiennent un grand nombre de salariés envers leur entreprise n’est-elle pas un frein à leur mobilisation en tant qu’ « ambassadeurs » ?

Franck La Pinta

La plupart des discours que j’entends sur les salariés-ambassadeurs sont portés par des individus qui semblent ne jamais avoir mis les pieds dans une entreprise, tant leur point de vue ne dépasse pas le stade de la belle théorie. Le bien-être, la fidélité sont bien sur des préalables à toute forme de recommandation. Vous n’allez pas recommander un hotel sur Tripadvisor si votre séjour était un cauchemar ; et quand bien même, combien de clients satisfaits prennent le temps d’une recommandation ? Les entreprises sont face à deux situations : laisser les collaborateurs s’exprimer librement, avec le risque que ces propos ne soient pas alignés avec la Marque RH, ou intégrer cette mission dans leur descriptif de poste, et en faire des ambassadeurs officiels désignés. Entre ces deux situations certes extrême, il subsiste une zone grise qui ne me parait pas pertinente. L’autre risque de cette portée au pinacle des ambassadeurs est une forme de mise en retrait de l’entreprise qui n’oserait plus prendre directement la parole.

Vincent Berthelot

Il y a une grande incompréhension sur le terme et la “fonction” d’ambassadeur. A trop vouloir les instrumentaliser les entreprises vont finir par tuer cette belle idée !

Comme vous le soulignez dans votre livre, la pratique montre que c’est un projet de longue haleine de former et d’accompagner des salariés ambassadeurs ainsi que de trouver un équilibre subtile entre la spontanéité nécessaire et l’encadrement des actions. La flexibilité des effectifs ou la plus grande volatilité des salariés ne met-elle pas en difficultés la stratégie de Marque Employeur de l’entreprise ?

Vincent Berthelot

En fait former et accompagner les salariés n’est que la partie émergée de l’iceberg ou le dernier étage de la fusée. Le carburant c’est le plaisir ou tout au moins la satisfaction de vos employés au travail. Ils disent du bien de vous non pas parce que vous leur avez demandé mais par ce qu’ils le pensent vraiment et sont heureux de le partager. Vous ne pouvez leur garantir un emploi à vie, des augmentations perpétuelle mais une visibilité sur leur parcours, celui de l’entreprise et votre engagement à respecter un accord gagnant gagnant pour lier performance sociale et performance économique. Beaucoup de salariés on en effet perdu confiance dans leur entreprise et nombreux sont ceux qui sont désengagés ce qui ne permet pas de disposer d’un socle solide pour construire une marque employeur forte, sincère et vivante. C’est pourquoi les RH, le Management, la communication interne doivent travailler ensemble pour assurer cette nouvelle dynamique.
Vous pouvez proposer des actions pédagogiques autour de la compréhension des médias sociaux pour permettre à ceux qui le désirent de mieux maitriser leur prise de parole sur ces différents supports et détecter les plus engagés pour les épauler si besoin.

Vous pointez la responsabilité et le leadership des services RH et des directions générales pour conduire une telle stratégie, comment projetez-vous le rôle et les responsabilités des conseils d’administrations ?

Vincent Berthelot

La marque employeur c’est la traduction chaque jour dans les actions du management, les process RH mais aussi tous les autres et en particulier ceux tournés vers l’externe des valeurs affichées par l’entreprise. Ces valeurs sont l’incarnation d’une vision et celle-ci doit être fixé, soutenu par le CA mais ce seront bien ensuite les RH et différents services qui les feront vivre au quotidien. Des valeurs qui se déclinent en belles affiches, en campagne de com interne et sur de multiples supports c’est suspect à mes yeux ! Les vraies valeurs sont celles que vos ambassadeurs naturels mettront en avant quand ils parleront de votre entreprise et non parce que vous leur avez donné un kit de com mais par ce qu’ils le ressentent profondément.
Ces valeurs doivent inonder l’entreprise et se refléter aussi dans les décisions du CA. L’alignement des discours, des actes et des décisions stratégiques forme la colonne vertébrale de la marque employeur.

Quelle est, selon vous, la nature actuelle des collaborations entre les directions d’entreprise et les syndicats sur le sujet de la Marque Employeur ?

Vincent Berthelot

Il n’y a pas de collaboration mais en revanche il y a des interactions Vous ne pouvez espérer en général des organisations syndicales qu’elles aillent endosser l’uniforme d’ambassadeur car elles se mettraient en porte à faux avec leur mission de défense des salariés et de lutte pour obtenir de meilleures conditions de travail ou salaire.
En revanche la qualité du dialogue social à un effet non négligeable sur l’image de votre entreprise. Comme celui-ci est de plus en plus externalisé sur les blogs, les forums ou plateformes sociales il remonte dans les requêtes que peuvent faire les candidats sur un moteur de recherche autour de votre entreprise. Imaginez si non pas une mais plusieurs organisations syndicales d’un même élan dénoncent sur le web les conditions de travail, mettent en avant des cas de harcèlement, voire de suicides par rapport à une prise de parole officielle et lisse… Même si leur influence à diminué, la tonalité de leur discours, le nombre d’accords signés avec la Direction ne sont pas non plus sans effet sur le moral des salariés en particulier ceux qui ont besoin de retrouver du sens dans leur travail.
Les organisations syndicales sont des partenaires sociaux qu’il serait dangereux de négliger ou mépriser et c’est pourquoi nous recommandons de les informer des démarches que vous entreprenez autour de l’attractivité de votre entreprise et de recueillir leurs critiques comme autant de pistes de travail à valider.

Merci à tous les deux.

 

Les droits d’auteur du livre « Marketing RH » de Vincent Berthelot et Franc La Pinta sont reversés à l’association Docteur Souris qui permet aux enfants hospitalisés de disposer d’un ordinateur et d’un accès sécurisé à Internet. www.docteurssouris.fr