Ces derniers mois ont fleuri plusieurs « réseaux sociaux » dédiés aux étudiants et jeunes diplômés et aux entreprises qui souhaitent les recruter.

Etonnant peut-être à l’heure où de nombreuses entreprises cherchent à manager avec efficacité les différentes générations de collaborateurs, à les faire coopérer, à organiser les échanges de savoirs et de pratiques ?

Au-delà de souligner les initiatives de ces entrepreneurs, souvent jeunes et talentueux, la principale question en matière de gestion de carrières au sujet de ces nouvelles plateformes réside dans l’intérêt pour les étudiants et les jeunes diplômés d’être présents sur des sites dédiés plutôt que sur les réseaux sociaux professionnels existants, ces derniers devant aussi faciliter l’accès aux plus jeunes au risque de se couper de leurs futurs membres (Premium).

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Pourquoi maintenant ?

manager la génération y

Les (jeunes) fondateurs de ces sites justifient leurs propositions de services par le fait que les étudiants et les jeunes diplômés ne se sentent pas à l’aise sur les réseaux sociaux professionnels. En synthèse, ils seraient complexés de ne pas disposer d’un réseau de relations ou d’un profil aussi riche que des professionnels confirmés, ne sauraient pas comment les utiliser pour répondre à leurs objectifs : trouver un stage, une alternance, un premier emploi.

Argumentation logique ! Pas tout à fait. Nous rencontrons chaque jour des salariés jeunes, moins jeunes ou seniors qui n’ont pas ou peu de relations professionnelles, qui ne savent comment se présenter professionnellement ou comment entrer en relation avec d’autres professionnels et des recruteurs, qui craignent de pénaliser leurs démarches d’emploi, etc.

Toutes les générations sont aujourd’hui concernées par les apprentissages non réalisés durant la formation initiale ou dans l’emploi pour acquérir la compétence à s’orienter et à rebondir, les savoir-faire et les savoir-être nécessaires aux démarches d’emploi. Dans ce domaine, les services d’id-carrieres pour les étudiants ou les jeunes diplômés, ou les services Carrière de DoYouBuzz dédié à la création de CV nouvelle génération nous semblent davantage répondre aux besoins de conseil et d’accompagnement personnalisé de tous en matière d’orientation et d’emploi.

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Autre argument avancé, les difficultés des entreprises, et surtout les PME et TPE, à recruter des stagiaires ou des jeunes diplômés, notamment plus attirés vers les grandes entreprises à plus fortes notoriétés.

Ces plateformes offrent aux recruteurs la possibilité de contacter directement les étudiants pour des stages et les jeunes diplômés pour un premier emploi. Certains sites privilégient le « push » de l’offre vers des profils* d’étudiants pré-sélectionnés par le recruteur à partir d’outils dits de matching profil recherché/profil candidat, d’autres maintiennent en parallèle les approches classiques de communication d’une offre et de dépôt de candidatures.

Si l’entreprise peu connue pourra être certaine que son offre sera vue/lue par le public visé, et notamment grâce à la fonction « push », son pouvoir d’attractivité en tant qu’Employeur n’en sera pas pour autant renforcé et le recrutement assuré d’être finalisé. Si l’entreprise constitue par ailleurs un choix par défaut de l’étudiant ou du jeune diplômé faute d’autres choses, les 2 parties pourraient ne rien y gagner.

* Je tiens à ce sujet à mentionner spécialement Yupeek pour son approche pertinente en deux temps : une présentation globale du profil et si l’annonce intéresse l’étudiant, il ouvre l’accès à son CV complet au recruteur. Une approche que nous soutenons : Ne mettez pas votre CV sur votre profil social.

Ces nouvelles plateformes paraissent, au stade actuel de leur développement, constituer davantage des job boards que des réseaux sociaux. Les étudiants vont peut-être pouvoir échanger entre eux sur les bons plans, se relayer des informations utiles… mais ne le font-ils déjà pas de vive voix à la Kfet, sur les nombreux forums généralistes ou spécialisés existants sur Internet, au sein de leurs intranets d’université ou d’école ou sur Facebook ?

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Enfin, l’argument du prix. Les nouveaux sites spécialisés argumentent à juste titre sur le montant élevé des abonnements Premium des 2 grands réseaux sociaux professionnels pour les étudiants et les jeunes diplômés qui leur permettraient d’accéder aux fonctionnalités les plus intéressantes.

Comme le font de nombreuses entreprises dans les universités et les écoles pour fidéliser très tôt leurs clients ou leurs collaborateurs de demain, LinkedIn ou Viadéo tentent aussi de capter les étudiants sur leurs plateformes. Ils ont pris un certain nombre d’initiatives dans ce sens ces derniers mois (concours étudiants, fonctionnalités adaptées, etc.). Facebook, qui les a initiés à l’utilisation d’un réseau numérique amical, tente aujourd’hui de son côté de prolonger l’utilisation de sa plateforme dans les domaines professionnels … à suivre en matière d’adoption.

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Quid des apports entre générations ?

Les réseaux sociaux professionnels ciblés que ce soit pour les étudiants, les jeunes diplômés ou les seniors prolongent les silos qui existent un peu partout.

Ils ne capitalisent pas sur les réels apports et les potentialités d’Internet et des réseaux en matière de mises en relations et de conversations élargies, de partages d’informations et d’expériences diverses…

N’est-il pas aussi ou plus enrichissant pour un étudiant qui veut faire un stage dans l’agroalimentaire ou dans l’industrie de l’énergie de pouvoir échanger avec des collaborateurs confirmés de Danone ou d’Air Liquide ou de pouvoir identifier des entreprises moins connues, en particulier des PME, par une sélection sectorielle des interlocuteurs ?

Certes, le point de vue ne sera pas le même que celui d’un étudiant de la promo précédente qui aurait fait son stage dans l’une de ces entreprises (contenu du stage, ambiance, etc.).

L’échange avec des professionnels plus expérimentés le complétera et contribuera à recueillir une vision plus large de l’entreprise, de son évolution, de ses métiers, des conseils sur les filières d’emploi, la culture et les valeurs de l’entreprise, et potentiellement des mises en relations avec d’autres collaborateurs en poste.

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Les entreprises, surtout les plus grandes, investissent aujourd’hui le Web via des collaborateurs-ambassadeurs ou des community managers… pour renforcer leur réputation et leur attractivité notamment en matière de recrutement.

C’est une opportunité supplémentaire pour les plus jeunes comme pour les autres d’engager un contact, un échange, de solliciter des informations… Toutes les entreprises présentes sur le Web et leurs collaborateurs ne sont pas encore tout à fait dans la logique conversationnelle des médias sociaux, les PME sont encore peu présentes et actives. Mais la tendance est en marche…

Le management des différentes générations au sein des entreprises, induit notamment par le prolongement de l’âge du départ à la retraite et l’évolution des attentes des salariés, les plus jeunes mais pas que… , pourrait s’initier avant l’intégration dans l’entreprise en particulier via les média sociaux et dans tous les deux sens : les plus jeunes envers les plus âgés, des professionnels plus expérimentés envers les étudiants et les jeunes diplômés. Des initiatives de parrainage ou de mentorat sont déjà proposées dans ce sens sur Twitter.

Comme vous l’aurez compris, je ne suis pas favorable à la segmentation en matière de réseau social, la richesse provenant ici comme ailleurs de la diversité. Je souhaite néanmoins aux nouveaux sites et à leurs dirigeants qui ont choisi l’option de la segmentation de réussir dans leurs initiatives. Peut-être évolueront-ils en intégrant des modalités innovantes de mise en relation et de coopération entre les différentes générations, répondant aux besoins de tous individuellement et des entreprises ? Bonne chance à eux 🙂

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Source photo : Le coucou qui tweete aussi Fiat